Expo « Drafts » au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles

© Texte et photos D. LYSSE  10-2024

Pour les grandes institutions, les expositions montées à partir d’œuvres appartenant à la maison ont l’immense avantage de ne demander qu’une logistique réduite et d’éviter les frais liés aux prêts venus de collections privées ou de musées extérieurs. C’est l’occasion de mettre en valeur des pièces choisies dans l’accrochage permanent ainsi que de nombreuses autres tirées des réserves, que le public a rarement l’occasion de voir, trop fragiles pour être soumises longtemps à l’action de la lumière, ce qui est le cas pour les travaux sur papier, ou alors rangées hors de vue parce qu’elles sont passées de mode ou considérées comme mineures.

Le mot anglais qui a été choisi comme thème pour cette exposition est draft. Le terme peut recouvrir des sens très divers : projet, ébauche, étude, esquisse voire, en élargissant au maximum le concept, simple croquis d’observation ou crayonné sous-jacent à la couche de couleur d’un tableau. On trouvera donc regroupés dans cette expo des œuvres extrêmement variées, tant au point de vue de l’exécution que de l’intention qui a présidé à leur élaboration. Et la juxtaposition, lorsqu’elle était possible, du travail terminé, tableau ou sculpture, avec le croquis ou l’étude qui lui a servi de base ajoute encore au disparate.

C’est ce qui fait le charme de cet accrochage : on se promène un peu au hasard parmi de vénérables productions qui, pour une fois, n’ont pas été choisies pour leur notoriété ou leur proximité stylistique, mais pour la bonne raison que le musée en possédait un brouillon ou les considérait comme un brouillon.

À tout seigneur tout honneur, les études de Rubens figurent en bonne place. Les quatre études d’une tête africaine, hyper connues, sont bien sûr là. Puis toutes les autres, d’une vigueur et d’une sûreté stupéfiantes, à la fois très enlevées et soigneusement travaillées à la couleur à l’huile. Elles n’étaient pas tant des brouillons que des modèles : modèle à montrer au commanditaire avant de confectionner le tableau définitif, la fresque ou la tapisserie qu’il s’apprêtait à acheter, et surtout modèle à montrer aux multiples assistants qui peuplaient l’atelier de Rubens et qui étaient souvent chargés de la réalisation. Le maître, en effet, assailli de commandes, se contentait souvent de ne peindre que les visages et les mains des personnages principaux. Parfois, il intervenait moins encore, seulement pour les yeux, voire pas du tout. Les études, dans le dernier cas, sont beaucoup plus représentatives de son travail et de sa « patte » que le résultat final.

Jordaens figure également en bonne place avec un de ses chefs-d’œuvre, son allégorie de l’abondance et de la fertilité, déménagée de plusieurs étages pour l’occasion. Un croquis à l’encre montré à proximité laisse voir quelles retouches et améliorations périphériques il a apportées à sa composition.

Énumérer tout ce qui a été rassemblé ici tend très vite vers un inventaire à la Prévert : des études de peintres animaliers d’après des pièces de gibier ou des bêtes vivantes ; un personnage avec un grand chapeau croqué à la plume par Rembrandt ; trois silhouettes prises sur le vif au pinceau par Ensor encore jeune, des petits formats d’après nature de l’école de Barbizon ; des études anatomiques ou d’après modèle de peintres pompiers du dix-neuvième ; un projet d’une précision maniaque de Servanckx, recopié au carré avec un quadrillage extrêmement serré ; une petite maquette du mobile de Calder qu’on peut voir réalisé au-dessus du Mont-des-Arts ; diverses peintures abstraites gestuelles du vingtième siècle ; les réductions des frontons de Godecharle pour la Monnaie, le palais de Laeken et le parlement (avec comme très honorable programme : « la Justice récompensant la Vertu, chassant les Vices et protégeant la Faiblesse) ; une belle vue de la fenêtre de l’atelier de Rik Wauters à Boistfort accompagnée de deux croquis rapides pris du même endroit (croquis qui ont peut-être servi d’étude pour le tableau et peut-être pas) ; une minuscule esquisse au fusain de Constantin Meunier fixant les lignes de force d’un mouvement de groupe sans préciser de détail intelligible, et un énorme modèle en plâtre, très léché, du même Constantin Meunier, peuplé d’héroïques dockers du port d’Anvers, destiné à être sculpté en marbre pour le monument au travail…
On ne peut que souhaiter bonne promenade au visiteur ! L’exposition est ouverte jusqu’en février 2025. Et c’est une excellente occasion d’aller refaire un tour dans ce riche musée qu’on croit connaître mais où il y a toujours des œuvres à découvrir ou à redécouvrir.

www.fine-arts-museum.be/fr/expositions

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LES CINQ VIES BRUXELLOISES DE JEAN-LE-PRECURSEUR

ou la saga d’une communauté religieuse de rite byzantin

© Texte André BUYSE  09-2024

Évoquer la « Communauté Saint Jean-le-Précurseur » ne dira rien à la plupart de nos lecteurs à moins qu’ils aient eu l’occasion de consulter le site en ligne de cette institution (1).

Elle célèbre cette année ses cinquante ans d’existence. Mais quelle existence ! Une véritable saga, que nous vous proposons de narrer brièvement ici tout en permettant au lecteur de découvrir cette « communauté », qui n’est pas une « paroisse » car, dépendant de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles (vicariat général de Bruxelles), elle ne remplit pas vraiment les critères de fonction ou de territorialité d’une paroisse. Discrète par nature elle pourrait cependant revendiquer une certaine notoriété…car elle officie dans l’un des plus anciens édifices religieux de Bruxelles qui est aussi « la perle » du patrimoine historique d’Uccle : la chapelle Notre-Dame-des-Affligés, plus connue sous le nom de Chapelle de Stalle, sise au beau milieu d’un îlot de verdure à hauteur du n° 50 de la rue de Stalle, l’un des principaux axes de pénétration du sud de la capitale.

Cette communauté chrétienne catholique célèbre tous les dimanches matin (et occasionnellement à d’autres dates en rapport avec le calendrier liturgique) en rite byzantin et en langue française, sur le modèle de l’abbaye de Chevetogne (province de Namur), l’office divin, selon un cérémonial qui n’est pas seulement celui des orthodoxes mais également celui des catholiques ukrainiens, des melkites et des italo-grecs. L’officiant actuel, appelé recteur, est l’abbé Alban Doudelet, professeur honoraire de latin et de grec au Collège Sainte Gertrude de Nivelles.

La communauté a été fondée en janvier 1974 par le Père Philippe Melchior, un ancien étudiant du Russicum (Collège pontifical russe à Rome), alors qu’il officiait déjà selon le rite byzantin à l’église des Saints-Jean-et-Nicolas, à Saint-Josse-ten-Noode, où avait été disposée une iconostase rudimentaire. Il y associa à l’occasion le Foyer Oriental chrétien et la paroisse orthodoxe grecque de Bruxelles. Il s’entoure d’une vingtaine de sympathisants et collaborateurs, dont le futur chef de la chorale byzantine Luc Debutte, le notaire de Fays ainsi que le grand patriote Emmanuel Ryelandt. C’est « la première vie » de la jeune communauté, qui durera jusqu’en 1976.

La deuxième vie dura douze ans, jusqu’en 1988 : un local spécifiquement dédié à la liturgie byzantine est trouvé : l’annexe, dite « chapelle des Ukrainiens » adossée au flanc droit de l’église Saint-Joseph, square Frère-Orban, au Quartier-Léopold, à Bruxelles-ville. Cette chapelle, dédiée à Saint Volodymir (l’Ukrainien) avait aussi un accès rue Belliard. De cette époque date l’essor de la chorale, puisqu’on sait que les messes byzantines remplacent tout usage d’instrument de musique par le chant choral. Tout l’office, qui dure en moyenne 90 minutes, est chanté a capella du début à la fin, lectures et prières incluses. Compte tenu de son implantation proche du quartier européen, il n’est pas rare de voir l’un ou l’autre eurocrate assister aux offices.

Pour recruter de nouvelles voix il fut jugé utile de faire publier un avis dans la presse bruxelloise (grâce à l’intervention de l’un des correcteurs du journal Le Soir, Jean-Paul Henrard), ce qui s’avéra être un succès. Le recteur Melchior, nommé vicaire à Sainte-Suzanne (Schaerbeek), obtint en 1983 l’aide d’un diacre, Attila Schkoda, ordonné par le patriarche de Constantinople, Mgr Maximos V. Il sera secondé à partir de 1986 par l’abbé Serge Descy, futur recteur de la paroisse grecque-melkite-catholique de Bruxelles, célébrant, lui, en la Chapelle de Marie-la-Misérable, à Woluwé-Saint-Lambert, où se produisit la Communauté lors de la visite du patriarche Maximos. A peine nommé Cardinal, Mgr Godfried Danneels, primat de Belgique présida une célébration au square et lut l’homélie en la chapelle désormais intégralement dédiée à Saint Jean-le-Précurseur.

Mais n’était-ce pas trop beau pour envisager l’avenir avec optimisme ? Le 17 décembre 1988, un samedi soir, la chapelle du square Frère-Orban est entièrement consumée par un violent incendie. Tout brûle. Sauf les calices. Des journaux évoquent, non sans quelque sous-entendu complotiste, « la destruction d’un lieu de culte catholiques et oriental ». Une enquête judiciaire est ouverte. Elle se conclura par un non-lieu à la suite d’une expertise évoquant « la possibilité d’une combustion spontanée due à la présence d’une bouteille de gaz ».

On est à la veille de Noël et il faut trouver une solution d’urgence. Une souscription est ouverte pour maintenir en vie la Communauté. Soixante donateurs y participeront. Ce sera, pour un bref délai – et ici débute la troisième vie de Jean-le-Précurseur – , l’occupation d’une chapelle… vouée à la démolition, celle des Sœurs Réparatrices, rue Van den Driessche, à Woluwé-Saint-Pierre, puis, de manière tout aussi aléatoire, chez les Sœurs de la Trinité, avenue de la Couronne à Ixelles.

Finalement, une solution pérenne est trouvée au printemps 1989 : ce sera la chapelle existant au sous-sol du couvent des carmélites, dit Carmel Saint-Joseph, rue des Drapiers, juste en face du siège de Fabrimétal (la fédération des industries métalliques devenue ensuite Agoria). Ainsi débute la quatrième vie de la Communauté, la plus longue historiquement puisqu’elle durera jusqu’en 2014. D’abord provisoire (jusque 1992), l’occupation devient permanente grâce à l’intervention de la prieure du carmel, sœur Isabelle de Lannoy, coopération renforcée en 1993 par la prieure, Renée Simon, qui permit un aménagement durable des lieux et une iconostase rénovée par les soins du père Ivan Davidof, celui-là même qui avait reconstruit l’église orthodoxe de Pskov en Russie septentrionale. La communauté a désormais 25 ans, ce qui sera fêté par un jubilé présidé par Mgr Lanneau, évêque auxiliaire de Bruxelles. Pour les célébrations de l’an 2000 la chorale de St Jean assura les chants d’une messe télévisée à la RTBF. De leur côté les membres de la communauté se cotisent pour envoyer des fonds notamment aux Parents d’accueil de Tchernobyl ou pour le carmel Kerith à Lumumbashi (Congo). En 1911, la communauté accueille Mgr Léonard récemment promu archevêque.

Mais s’annonce une nouvelle bourrasque. Et l’on entre dans la cinquième vie de Jean-le-Précurseur à la suite de la décision de l’ordre central du Carmel (en France) de déménager le couvent des sœurs carmélites et de transférer l’immeuble de la rue des Drapiers à la Fondation Josefa, une maison d’accueil pour réfugiés ayant officiellement bénéficié du droit d’asile. Nouveau branle-bas-de-combat dans la presse (dans La Libre notamment, qui titre « Des cathos byzantins en quête d’église »).

Finalement, grâce aux contacts noués avec Mgr Cockerols, alors évêque auxiliaire pour Bruxelles, et avec la Fabrique d’Eglise Saint-Pierre à Uccle, une convention est signée en février 2015, pour l’occupation les dimanches et jours fériés, en matinée, de la Chapelle de Stalle, avec des restrictions liées au classement de l’édifice par la Commission royale des Monuments et des sites : toute la chapelle, une construction gothique du XVe siècle, est protégée tant intérieurement qu’extérieurement. Pas question d’y installer une iconostase, seulement deux icônes peuvent être exposées, accrochées aux piliers du chœur, deux eptaphos (chandeliers à sept branches) allumés pendant l’office et l’autel, don de l’abbaye de Chevetogne, utilisé régulièrement. La chorale est à présent dirigée, avec une maîtrise reconnue de tous, par Dominique Foret, professeure de chant à l’Académie de musique de la populeuse commune de Schaerbeek.

La célébration officielle du cinquantenaire de la Communauté aura lieu le dimanche 22 septembre 2024, quatre jours avant la venue du Pape François en Belgique, en présence du chanoine Tony Frison, vicaire épiscopal pour Bruxelles.

(1) https://comunautestjeanleprecurseur.com

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JEAN VAN THILBORGH – Figure emblématique du monde de l’automobile ancienne

J’aime partager avec vous des récits de rallyes, de bourses & de salons, des 50 ans du RHVCB, … lire la suite

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Cité Rétro-Mécanique – Musée Maurice Dufresne

© Texte et photos Marc VINCENT  06-2024

Non loin du château d’Azay-le-Rideau (France, département d’Indre et Loire), la Cité Rétro-Mécanique présente une collection de différents objets industriels et agricoles rassemblés pendant 60 ans par Monsieur Maurice Dufresne (1930-2008). A l’âge de 23 ans, Monsieur Dufresne, ayant travaillé dans plusieurs firmes, entame le ferrage de chevaux. Il s’occupera des équidés durant quatre ans. Il se réoriente ensuite vers la démolition et rachat de ferraille. Durant cette occupation, il va récupérer des métiers à tisser, du matériel agricole, des armes, de l’outillage, des anciennes voitures et camions. Certain qu’il faille garder une passerelle entre les générations, de nombreuses pièces ne vont pas à la refonte mais sont restaurées. En 1983 il rachète le moulin de Marnay. Celui-ci servait pour la fabrication du papier. Les collections sont présentées dans l’ancien moulin du XVIIème siècle et agrandi jusqu’au milieu du XIXème siècle et dans les bâtiments y afférents, le tout en bord d’Indre. Dans les salles aménagées prennent place les objets restaurés. Même un avion Blériot identique à celui employé pour traverser la Manche en 1909 et un des planeurs du film « La Grande Vadrouille » sont présents ! Le musée a été inauguré le 24 octobre 1992. Après le décès de Maurice Dufresne c’est sa fille qui a repris la direction du musée. Celle-ci décède en 2014 et se sont les enfants qui reprennent la gestion du musée. Près de 3000 pièces sont exposées.

Après le passage des grilles d’entrée, une allée de près de cent mètres vous mène vers les bâtiments du musée. De part et d’autre de ce chemin, des grosses pièces sont présentées sur un socle de béton, sous un petit toit. Sans être exhaustif, nous pouvons y voir du matériel ferroviaire, des machines agricoles, un obusier Sherman de 1942, un rouleau compresseur, un locomobile à vapeur et même la vedette fluviale militaire allemande employée dans le film « La 7ème Compagnie au Clair de Lune » !

La roue à aube du moulin a été en partie restaurée et fonctionne à nouveau à la force de l’eau. Les engrenages couplés à la roue à aube transmettant la force motrice aux machines de la papeterie ont été également rendus fonctionnels.

Dans les bâtiments, un cheminement d’un kilomètre nous mène dans les collections très variées. Voitures, camions, outillages, vous y trouverez même une machine pour placer les œillets de laçage de corsets sans oublier une guillotine mobile. Aux murs sont accrochés d’anciennes plaques émaillées publicitaires. Dans trois salles à l’étage, dans de longues vitrines murales ou accrochés aux murs, des révolvers, pistolets, fusils, épées, sabres et même une armure de samouraï sont présentés.

Un restaurant et une boutique complètent le domaine.
Site Internet : Musée-Dufresne

Locomotive d’usine Cockerill

Dans le parking, entre les voitures des visiteurs, une locomotive Cockerill à chaudière verticale de 1924 est exposée. Sa plaque d’origine est toujours présente. La machine a été rachetée en région parisienne. Ce type de machine servait à la manœuvre de wagons de marchandises dans des petites gares ou dans des industries. De 1870 à 1950 plusieurs centaines de machines à chaudière verticale de quatre types ont été construites par Cockerill à Seraing (Région de Liège – Belgique).

 

Génératrice électrique

 

 

Génératrice électrique construite par la firme Gramme. Cette firme avait été fondée à Paris par Zénobe Gramme, belge originaire de la région de Huy.

 

 

 

 

Locotracteur Baldwin

Locotracteur américain Baldwin à voie normale construit durant la première guerre mondiale. Il est a été ensuite équipé d’un moteur français Berliet à 5 cylindres. La transmission s’effectuait par chaîne. Il a été racheté à Romorantin dans le Loir et Cher et a servi dans une usine de fabrication de poteaux. Dans les années 1920/1930 Berliet avait fourni plusieurs locotracteurs en France, notamment aux réseaux de l’Etat et au PLM.

 

Tracteur agricole construit à Haren – Bruxelles en 1928

 

 

 

Tracteur agricole construit à Haren-Bruxelles en 1928.

 

 

 

Voiture Chenard et Walcker

 

Voiture Chenard et Walcker, construite en France en 1926. Elle a été rachetée dans la région d’Orléans et servait à un médecin.

 

 

 

Citroën C4F cabriolet

 

 

Cabriolet Citroën C4F de 1931. Il est équipé d’un moteur de 1628 CC et sa vitesse maximale est de 90 km/h.

 

 

Locomotive Orenstein & Koppel

 

Locomotive à vapeur Orenstein & Koppel de 1925 à voie de 60 cm. Cette firme établie en Allemagne à Berlin a fabriqué des locomotives à différents écartements de 1876 à 1981. Cette machine a été rachetée dans une carrière de Charente et ensevelie sous un tas de terre.

 

 

Bus britannique à deux étages

 

Autobus à impériale Leyland type RTL de 1949, moteur de 70 cv. Il a été racheté fin des années ‘80 en Vendée où il servait de bus-musée itinérant fin des années ‘70 et début des années ‘80. L’étage servait de salle de projection. Le niveau inférieur, dépourvu de banquettes, était équipé de vitrines d’exposition.

 

Grue Caillard

Grue à vapeur Caillard de 1900 à voie normale. Deux grues de ce type ont été produites et ont été employées à Lisieux, Calvados. Elles pèsent 40 tonnes et ont une puissance de levage de 6t. La vapeur produite à bord permettait la manœuvre de la flèche, l’effort de levage ainsi que de petits déplacements de la grue sur voie. La seconde grue est en partie démontée et est garée à l’extérieur à la rotonde-musée de Montabon dans la Sarthe. La firme Caillard a été fondée en 1859 au Havre et a construit différentes pièces de chaudronnerie ainsi que des grues ferroviaires et portuaires. Après reprise, Caillard est fermé en 2000.

Tracteur Alfa Romeo

 

 

Petit tracteur agricole Alfa Romeo fabriqué en 1931.

 

 

 

Une des trois salles d’exposition d’armes

Métier à tisser

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Expo RODIN à Mons

© Texte et images D. LYSSE  05-2024

Jusqu’au 18 août 2024, le musée des Beaux-Arts de Mons fête sa réouverture avec une exposition prestigieuse consacrée à Auguste Rodin. On peut y voir la plupart des sculptures célèbres de l’artiste français (« le penseur », « les bourgeois de Calais », « l’homme qui marche », etc.) ainsi que de nombreuses œuvres plus rarement accessibles, couvrant toute sa longue carrière.

Au cours de ses études dans une école professionnelle qui lui fournit une solide formation en anatomie et en dessin, Rodin fait très vite preuve d’une habileté remarquable, qu’il exploite ensuite dans des travaux alimentaires. Il est notamment engagé à Bruxelles, sur le chantier de la Bourse. Allégories mythologiques, frises d’angelots joufflus et bustes de jeunes filles graciles au sourire convenu lui laissent peu de liberté. D’autres contrats lui offrent un peu plus de latitude. C’est le cas, notamment, pour des caryatides placées dans un immeuble de prestige aujourd’hui détruit, au boulevard Anspach, à Bruxelles également, une ville où l’on n’a pas toujours été tendre avec le patrimoine culturel… Séparées de leur support à la démolition du bâtiment, ces sculptures en stuc ont été ramenées à Paris et reviennent aujourd’hui en Belgique pour quelques mois.

En digérant les influences de Michel-Ange, de Rubens et d’autres, Rodin trouve ensuite son style propre. Il réussit à abandonner les commandes de décorations architecturales pour prendre pied sur le marché de l’art, qui lui permet une expression beaucoup plus personnelle. Cela ouvre l’époque de « l’âge d’airain », encore très sage, puis de la célébrité avec des pièces comme « la porte des enfers », le « Balzac » (pas à Mons) ou les « bourgeois de Calais ».

Il termine sa carrière en se libérant de la plupart des conventions qui régissaient jusque-là le métier. Il affectionne alors les poses baroques, tordues, martyrisées, et les statues « incomplètes », dont il ne conserve que la part la plus expressive. Ses matières se font plus brutes pour accentuer le caractère expressionniste des œuvres. De façon provocante, il se passe également du nettoyage et du polissage final des bronzes, et garde inchangés les défauts de fonderie comme les traces des joints entre les moules, estimant la forme qu’il a créée plus puissante que les détails superficiels, ainsi qu’on le voit dans la dernière salle de l’expo.

Le centaure portant un enfant

Parallèlement à ses sculptures, ses dessins évoluent au fil des ans vers toujours plus de liberté, de distance par rapport à la reproduction du réel. Ici aussi, très jeune, Rodin fait preuve d’une aisance et d’une sûreté confondantes. Il est, d’autre part, fascinant de voir à quel point il a su assimiler et exploiter tout ce qu’il a jamais pu copier dans des musées ou des académies. Il n’a pas pris de pose iconoclaste, ne s’est pas érigé en contempteur de la tradition, il l’a seulement digérée, s’appuyant sur elle pour ouvrir des horizons nouveaux. On le voit bien avec ses croquis d’études ou de voyages, qu’il n’a pas laissé vieillir stérilement, comme on oublierait de vieux et détestés devoirs scolaires. Pendant des décennies, il les a au contraire recopiés ou retouchés, toujours dans un sens plus personnel, plus allusif. Il s’y montre chaque fois moins asservi à la reproduction littérale des détails de son modèle. Il essaie plutôt d’en saisir l’essentiel : l’équilibre des masses, l’expression créée par les grands contrastes lumineux. (Voir, ci-contre, le centaure portant un enfant.)

Plus tard encore, simplifiant une fois de plus les moyens employés, il s’exercera à dessiner sans regarder sa feuille, ou presque, posant des lignes sans hésitation, les yeux fixés sur le modèle, l’esprit concentré sur l’écho intérieur qu’il peut susciter en lui. Et il se contentera de corriger les disproportions les plus flagrantes en ajoutant quelques traits sommaires et souples au premier jet, ou quelques taches d’aquarelle et d’encre de couleur qui resteront toujours d’une sensualité sans faille malgré leur simplicité, et ne tomberont jamais dans le schématisme ni la froideur géométrique.

Pour aider les visiteurs à situer ce travail dans son contexte, un petit nombre d’œuvres d’autres artistes ont été sélectionnées. On peut voir notamment des moulages du torse du Belvédère, ou d’un esclave et d’une piéta de Michel-Ange, à l’influence marquante. Ou, plus insolite, dans la salle consacrée à la porte de l’enfer, d’étranges gravures dont une de Cranach mettant en scène un loup-garou. Parmi les pairs de Rodin, un buste de martyr par Constantin Meunier fait montre d’une étonnante proximité avec les préoccupations du maître français. Et les sculptures de l’artiste belge contemporaine Berlinde De Bruyckere viennent nous montrer que les recherches de Rodin trouvent encore des échos aujourd’hui. Tout cela est très judicieusement choisi, parfaitement éclairé, commenté et mis en place. Et il n’y a pas trop de monde, on peut tout voir à l’aise, surtout si on y va en semaine ou à l’heure de midi. Que demander de plus ?

Musées & Expos – ville de Mons : lien

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ÊTRE ARTISTE AUJOURD’HUI…

© Texte et images Mireille Dabée 03-2024

Comment vivre l’art ?

Être artiste ?

Que de questions pour simplement vivre et vivre d’art.

Au jour le jour, tant pour soi, pour se construire, que pour l’autre. Pour partager avec l’autre. L’autre qui vient à soi, qui cherche à comprendre l’œuvre qu’il découvre, le projet que l’artiste propose. L’autre avec qui l’artiste parle de sa démarche, de son projet, qui hésite et pose des questions, sensible aux couleurs, aux formes, aux matières, à la composition, qui reste perplexe aussi quand il n’entre pas dans l’univers exposé.

Être artiste, c’est ne pouvoir faire autrement que de donner à voir, et peindre, dessiner, sculpter sans relâche.

Recommencer sans cesse et sans relâche le geste qui mène à la meilleure expression d’une pensée, d’un ressenti, d’une impression.

Ainsi, ai-je un jour voulu comprendre les chemins du langage, de la création des signes, des lettres, des idéogrammes, des calligrammes, à l’origine des liens entre les humains. L’origine du monde des hommes, peut-être sapiens et si peu sages en fait. Ces lettres qui font des mots, ces mots qui font des phrases, ces phrases qui font pensée et peut-être humanité.

Sur ces lettres toutes faites que la société nous donne pour nous comprendre, je dessine à l’encre de Chine les mots cachés de ma vie brisée, les « cryptographies » où je conte mes errances et mes fêlures, en signes illisibles aux yeux des autres, qui n’en ont pas les codes. Et, dans ce monde où tout est code, si on n’en comprend pas le sens, rien ne peut nous mettre sur le chemin de la vie des autres.

Codes binaires, codes informatiques, codes linguistiques, codes ADN, codes viraux, codes partout sans quoi rien n’existe.

Quand les hommes communiquent entre eux, ils usent de la parole, des mots, des phrases. Mais, à chaque langue, à chaque écriture, une nouvelle énigme. Le même mot d’une même langue, d’une même écriture, donné à plusieurs personnes aura une définition différente pour chacun, qui le comprendra au travers de ses propres expériences de vie.
Comment s’étonner que naissent tant et tant de « malentendus », de « mal compris », tous amenant à des conflits, des querelles, des guerres, quand de simples mots se vivent avec autant d’intensités différentes.

Des mots qui demandent du respect, des mots qui cherchent à choquer, des mots à qui on donne tant et tant de sens, d’images intenses et de significations multiples.

Le langage unit-il autant qu’il divise. Fait-il de nous des proches ou des lointains de l’autre ?

Qu’en pensez-vous ?

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Le Fort Saint Antoine, de la poudre à canon au fromage

© Texte et images Marc VINCENT  02-2024

Entrée du fort sous la neige

Après la défaite française de 1871 et la perte de l’Alsace-Lorraine, le gouvernement français décide la construction de forts. Ceux-ci défendront les frontières du Nord et de l’Est de la France. Les différents ouvrages, 166 forts, 43 petits et 254 batteries ont été construits de Calais à Nice. C’est dans ce cadre que le fort Saint-Antoine est édifié à quelques kilomètres du village éponyme. L’ouvrage est situé dans une forêt à 1082 mètres d’altitude dans le département du Doubs, non loin du lac de Saint-Point. De forme hexagonale, le fort est édifié en pierres et briques de 1879 à 1882. Le futur maréchal Joseph Joffre, alors capitaine du Génie, est responsable des chantiers dans le secteur de Pontarlier, dont Saint-Antoine. Celui-ci est imposant, 600 maçons, 600 tailleurs de pierre et 1000 hommes de troupe ont travaillé à sa construction. Le fort a été recouvert de terre et pierrailles sur une épaisseur de cinq mètres. En 1887 il prend le nom de Fort Lucotte (Edme Lucotte 1770-1825 Général de la Révolution et d’Empire). Une fois en service, 400 à 420 militaires y étaient affectés. Le fort, situé entre Pontarlier et la frontière suisse devait défendre l’itinéraire de Lausanne à la vallée du Doubs. Plusieurs canons de 120 mm en assuraient la défense ainsi que des canons-révolvers Hotchkiss de 57 millimètres. Un fossé sec entoure le fort et un pont-levis est placé devant l’entrée. A l’extérieur l’on peut voir les ruines des casernements extérieurs « de paix ».

Reconversion des espaces de casernement en stockage des meules. Panneau explicatif dans le fort Saint Antoine.

Avec le temps le fort tombe en désuétude. L’armée quitte les lieux et vend le fort en 1965 à la commune de Saint Antoine. L’année suivante l’édifice prend une nouvelle affectation, civile cette fois. Monsieur Marcel Petite loue le fort pour l’aménager afin d’y affiner les meules de fromage Comté AOP. Les conditions de garde sont impeccables : 8° et 95 % d’humidité en permanence. De 2008 à 2011 une nouvelle cave voûtée est construite, augmentant la capacité d’affinage de 40.000 unités. Les voûtes sont intéressantes, car elles favorisent la circulation d’air. Vingt fruitières alimentent le fort. Mais qu’est-ce qu’une fruitière ? La fruitière est un lieu où les éleveurs amènent leur lait. Celui-ci y est transformé en fromage. Après quelques jours, les meules fraîches sont transportées au fort pour l’affinage. Celui-ci peut durer de 6 à 18 mois. Durant la période d’affinage, à intervalles réguliers, le trieur-gouteur tape avec un petit marteau pour évaluer la résonnance d’une meule. Ensuite, avec une petite tarière, il extrait une carotte et goûte la meule. C’est lui qui décidera quelle meule sera vendue jeune, minimum 4 mois, ou plus âgée. Les meules pèsent environ 40 kg, elles sont régulièrement brossées et retournées par un appareil spécial. En 2022 un Comté de 40 mois a été primé. A présent, c’est le petit-fils de Marcel Petite qui est à la tête de l’entreprise gérant l’affinage de 100.000 meules de Comté.

La poudrière, croquis d’ensemble, un stockage de 38 tonnes de poudre y était réalisé.

Reconversion de la poudrière en lieu d’affinage.

A 60 kilomètres, au sud-ouest dans le département du Jura, se situe le Fort des Rousses. Celui-ci pouvait abriter 3500 militaires et a été démilitarisé en 1995. Ensuite il a été racheté par Jean-Charles Arnaud et l’a reconverti à partir de 1997/1998 à l’affinage du Comté. Jean-Charles Arnaud y avait effectué son service militaire et y avait trouvé un lieu idéal à l’affinage des meules de Comté. Son grand-père avait créé une fromagerie en 1907 à Poligny, dans le département du Jura.

 

Rayonnages d’affinage, le bois employé est de l’épicéa. Nous voyons la machine retournant et brossant les meules.

Sur les Comté mis en vente, une bande de couleur est apposée sur la circonférence. Une bande à lettres et cloches vertes signifie que le fromage a reçu une note de 14 à 20 (20 étant la cote maximum). Une bande à lettres brunes signifie une note de 12 à 14. Toute une série de critères définissent l’attribution de la cote. Les meules ayant eu une note inférieure à 12 ne reçoivent pas l’appellation Comté et seront destinés, notamment, à la fabrication de fromage fondu genre « Vache qui Rit ». Le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté (CIGC) a établi un cahier de charge et en vérifie son application pour la protection et la réputation du Comté.

Après la défense du territoire, les forts ont la mission de défense du patrimoine gustatif.

Bandes de couleurs.
© GIGC

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L’année Ensor commence à Ostende

© Texte et images D. LYSSE  02-2024

À l’occasion du 75e anniversaire du décès de James Ensor, plusieurs expositions se préparent, abordant le travail du peintre ostendais sous des angles variés. Sa ville natale a ouvert le bal au « Mu.ZEE », avec une présentation centrée sur la nature morte. Elle rassemble autour des œuvres du maître un échantillonnage de la production du XIXe et de la première moitié du XXe siècle sur le même thème. Cet accrochage n’a pas la prétention d’être une présentation exhaustive du travail d’Ensor dans le domaine de la nature morte. Le choix présenté est toutefois riche et diversifié, et suffit pour se faire une très bonne idée des différentes options abordées par le peintre au cours de sa carrière. Une carrière qui fut, on le sait, loin d’être tranquille et linéaire.

Remarquablement doué, Ensor a commencé par peindre de façon assez traditionnelle, utilisant des fonds sombres et brunâtres, lointain héritage des peintures caravagistes du XVIIIe siècle. Brillant dans le rendu de la lumière et des matières, il s’est vite singularisé par une très grande liberté dans la touche. Ses croquis laissent entrevoir toute la joie et la curiosité avec lesquelles il a abordé le monde qui l’entourait. On y devine l’enthousiasme que lui donnait sa capacité à prendre possession de son environnement par l’image, qu’il s’agisse de paysages, d’intérieurs complets, de somptueuses mises en scène de la vie bourgeoise (qui seront l’objet d’autres expositions, à Bruxelles et Anvers), ou de rapides études de passants dans la rue, voire de mouches et moustiques morts trouvés sur un appui de fenêtre. (Il suffit de cliquer sur l’image ci-contre pour l’agrandir, ce qui peut s’avérer utile pour distinguer un dessin de moustique.)

Au fil des ans, peut-être sous la pression des modes étrangères, peu enseignées dans les académies officielles en Belgique, Ensor fera évoluer cette première manière et adoptera la palette claire de l’impressionnisme. Parallèlement, il ajoutera aux scènes de la vie quotidienne des éléments imaginaires, dans la lignée du symbolisme d’un Redon. Mais il intégrera ces influences de façon très personnelle. On voit bien, sur les cimaises d’Ostende, comment cette transition technique fut graduelle, continuité qui permit d’ailleurs à Ensor de reprendre régulièrement ses premières toiles sans presque rien modifier au sujet ni à la mise en page, pour en donner de nouvelles versions plus colorées, où l’accent était désormais moins placé sur la lumière que sur la couleur.

Plus loin dans l’exposition, quelques très belles natures mortes de Rik Wauters montrent ce qu’aurait pu donner un basculement radical vers des à-plat de couleur et vers le fauvisme, par exemple. Mais rien de tel n’a eu lieu chez Ensor et, par contraste, on mesure à quel point il est resté prudent face aux recherches plastiques révolutionnaires. Chez lui, le fond noir hérité du Caravage, qui unifiait l’espace du tableau, n’a disparu qu’en apparence. Il a fini par être remplacé par un fond blanc irisé, tout aussi conventionnel, qui remplit exactement la même fonction. Une fois ce compromis élaboré, l’attention du peintre s’est détachée de la question et s’est largement déplacée vers d’autres centres d’intérêt, vers l’imaginaire satyrique et poétique auquel la vivacité nouvelle de sa palette et la virtuosité de son pinceau vont donner des moyens d’expression décuplés.

Pendant ce temps, dans la première décennie du XXe siècle, à Paris, avec le fauvisme puis le cubisme, l’art d’avant-garde va emprunter d’autres voies, plus radicales, plus construites, souvent plus intellectuelles. Vers le nord et vers l’est du continent, l’expressionnisme germanique aurait pu sembler suffisamment proche d’Ensor pour que son émergence constitue pour lui un moteur, un facteur de renouveau, mais ce mouvement véhiculait souvent un contenu militant et des revendications sociales qui restaient largement étrangères au peintre ostendais. En conséquence, alors qu’Ensor n’était pas très âgé, son art s’est retrouvé peu à peu isolé, déjà un témoin du passé. À une échelle plus personnelle, il semblerait qu’Ensor se soit peu à peu lassé de ses recherches. Trop poussées, ses couleurs sont devenues criardes ; ses fonds blancs se sont fait envahissants, ses compositions rudimentaires. Ce n’est pas qu’il ne sache plus peindre : on le voit avec le saisissant tableau réalisé après la mort de sa mère, en 1915, où les bouteilles et récipients de son atelier sont représentés en avant-plan du gisant pour évoquer les médicaments qui n’ont su sauver la mourante. Mais à la longue, la peinture l’amuse moins, les rendus de matière l’ennuient, les mises en scène un peu complexes le fatiguent, et, d’un tempérament impulsif et fonceur, il a du mal à se forcer lorsque l’enthousiasme n’y est pas.

Son intérêt se porte alors volontiers vers d’autres occupations, parfois assez surprenantes : vers les deux tiers de sa vie, il s’attelle ainsi avec ardeur à composer de la musique, et même un opéra, sans atteindre aucun résultat digne qu’on s’y arrête. De façon plus fructueuse, il redouble d’activité du côté littéraire. Il multiplie les diatribes et discours où il atteint à une truculence rare. Sans jamais, hélas, s’atteler à un texte de grande ampleur, il reste un roi du fragment, du morceau de circonstance tournant à la satire. Dans un feu d’artifice logorrhéique, il use de la langue française aussi librement qu’il usa longtemps du pinceau, et invente à tour de bras des néologismes et des tours syntaxiques bizarres, féroces et hilarants. (Un vaste choix de cette littérature hétéroclite a été rassemblé aux éditions Labor, collection Espace nord, volume 158.)

Lorsque, par chance, il retrouve la joie de peindre, cela peut donner des résultats intéressants (voir, par exemple, ci-contre, la nature morte au chou rouge). Mais pour répondre à la demande du public, il finit le plus souvent par pasticher ses œuvres antérieures. Il se copie tantôt de façon pressée et désinvolte, tantôt en retrouvant l’élan initial. Dans ce dernier cas, il lui arrive alors de faire un demi-faux et d’antidater son tableau pour le vendre à un meilleur prix, sa production des premières décennies ayant fini par devenir très recherchée.

Au fil de cette seconde moitié de carrière, Ensor peindra quelques redoutables fadaises que les collectionneurs et institutions préservent pieusement à cause du nom prestigieux de leur auteur (voir ci-contre, les emblématiques et dérisoires fleurs et fruits avec nymphe de guignol, farfadet vert et masques plus ou moins vomissant). Il faut dire à sa décharge qu’il est loin d’avoir été le seul à créer parfois des trucs sans qualité et des machins sans âme, répétant des formules épuisées ou, pire, croyant innover. Ainsi, parmi les natures mortes du XIXe et du début XXe rassemblées dans cette exposition d’Ostende, à côté d’authentiques chefs d’œuvre, on repérera au passage quelques croûtes désespérantes, signées pourtant par d’éminents professeurs d’académies, d’honorables avant-gardistes et autres sommités de leur époque.

Cela fait une partie du charme de cet accrochage très serré et volontairement non ordonné : il force le visiteur à côtoyer parfois dans un seul coup d’œil le génial et le pire, et à trier par lui-même. L’admiration obligatoire et généralisée n’est pas de mise ici. Au fil des salles, l’amateur d’art doit se fier d’abord, voire exclusivement, à ce qui le touche, à ce qui l’émeut, à ce qui lui parle vraiment, sans se laisser impressionner par les étiquettes et les signatures, fussent-t-elles d’Ensor en personne. Du reste, n’est-ce pas toujours dans cet état d’esprit libre et indépendant qu’on devrait visiter les musées ?

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Animaux fantastiques, au Louvre-Lens

Les images, les motifs mythologiques et les récits sont mobiles. Au cours du temps, leurs significations évoluent et ils migrent joyeusement. Ils se moquent bien des frontières et des dogmes rigides, des idéologies qui voudraient enfermer peuples et individus à l’intérieur d’identités bien définies, immuables, à défendre ou promouvoir agressivement. C’est ce que nous montre une exposition du Louvre-Lens dans un parcours presque ludique, à portée des enfants, avec des salles peintes en couleurs vives (fonds bariolés qui ont été atténués ou supprimés dans la brochure de présentation comme d’ailleurs dans les illustrations de cet article, pour des questions de lisibilité).

Le thème de l’exposition parlera directement aux usagers de jeux vidéo et aux lecteurs de littérature de fantasy : les animaux fantastiques. Les collections du Louvre, qui s’avèrent une fois de plus d’une richesse extraordinaire, sont ici enrichies d’emprunts à d’autres institutions, et vont nous permettre de suivre quelques-uns de ces êtres imaginaires à travers les millénaires et les kilomètres : dragon, griffons, sphinx, poisson-bouc, phénix, licorne… Beaucoup de ces pistes nous mèneront aux origines de la civilisation urbaine de ce côté-ci de la planète, à la Mésopotamie ou à l’Égypte ancienne. On fera aussi quelques incursions du côté de l’Extrême-Orient, pour y suivre les métamorphoses du dragon.

Prenons, par exemple, le poisson-bouc. Il y a six mille ans, chez les Sumériens, il est associé au dieu Ea, dieu du savoir et de la magie, vivant dans un mystérieux océan d’eau douce qui soutient notre terre. Quand Sumer perd le pouvoir au profit d’autres villes et empires, plus neufs, plus à l’ouest le long des deux fleuves, Ea devient Enki et régresse dans les hiérarchies divines au profit de divers dieux nationaux. Un peu plus tard, au moment où se structurent les grandes notions d’astronomie que nous utilisons encore aujourd’hui, son emblème sert à désigner une des constellations qui occupent une portion de l’écliptique (le cercle que le lever du soleil semble parcourir en un an dans le ciel nocturne).

Le poisson-bouc devient alors le signe du capricorne. Il apparaît sous cette forme du côté de Babylone, puis se met à migrer très loin de sa terre natale. On le retrouve sur les cartes du ciel chez les Égyptiens, mêlés aux divinités locales. Le zodiaque mésopotamien est ensuite adopté par les Grecs et répandu vers l’ouest avec Rome, et le poisson-bouc se retrouve finalement aux vitraux et porches des cathédrales puis dans les horoscopes de nos gazettes. Une présence discrète, certes, mais sans interruption au fil des millénaires !

On peut suivre de la même façon, de salle en salle, les métamorphoses d’autres bêtes imaginaires. Le dragon, par exemple, un être en forme de serpent monstrueux. La Mésopotamie l’avait d’abord lié aux eaux primordiales chaotiques, que des dieux créateurs vont devoir vaincre pour pouvoir mettre en place l’univers relativement ordonné que nous connaissons. Le récit biblique en fera la figure de Satan enchaîné dans l’Apocalypse et, plus loin de son mythe d’origine, la bête traversera les âges et les lieux pour connaître d’innombrables métamorphoses, se croisant avec des versions locales de monstres ophidiens. Cela donnera, entre autres choses, le Doudou montois, dont la défaite annuelle est présentée dans l’exposition à travers une vidéo. Dans une autre salle, on le retrouvera aussi dans le célèbre Saint Georges terrassant le dragon d’Uccello, où le peintre de la Renaissance italienne redécouvrait quasiment les lois de la perspective pour situer le combat dans un paysage de champs et de ville fortifiée.

Le filiforme dragon céleste chinois, de son côté, lié aux orages, aux pluies fécondatrices et à l’empereur, va lui aussi migrer au loin à la faveur des conquêtes turco-mongoles, et devenir un élément de l’imaginaire chez d’autres peuples. Dans l’exposition, on le retrouve notamment dans une miniature iranienne en train de combattre un chameau. Cette excursion du côté de l’Extrême-Orient permet, au passage, d’aborder quelques êtres hybrides moins familiers pour nous, dont les féroces gardiens de tombeaux chinois ou de bizarres apparitions marines dessinées par Hokusai.

En Europe, nous retrouverons dragons, licornes et monstres marins dans des manuscrits alchimiques et dans des atlas de géographie qui les confineront dans les terres inconnues ou mal connues, toujours plus loin à mesure que progressera l’exploration du globe. Comme dans l’antiquité gréco-romaine, ils seront également utilisés comme simples motifs décoratifs. Et ce bestiaire imaginaire connaîtra une nouvelle jeunesse avec l’art romantique puis dans la culture populaire des deux derniers siècles, dans la littérature et le cinéma fantastiques, ou les jeux vidéo. L’exposition offre ainsi, à travers un parcours agréable, sans didactisme, l’occasion de retrouver une perspective historique, et de voir que la grammaire des formes et de l’imaginaire contemporain nous vient dans certains cas de l’aube des civilisations. À notre époque qui manque parfois de perspective historique et tend à juger le passé et toutes choses à l’aune des préoccupations de la semaine écoulée, cela vaut la peine d’être rappelé avec un peu de mise en scène.

Lien : Exposition et réservation

Texte et images D. LYSSE © 10-2023
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Retour aux sources

En 1923, il y a tout juste cent ans, Maurice Pauwaert créait le premier magazine de voile belge. Il lui donnait le titre « Sur l’eau » et revendiquait un « esprit d’indépendance ». Naissait ainsi la plus ancienne revue de yachting du monde, dont Charles Bertels reprit la barre bien des années plus tard, la rebaptisant « Yachting Sud – Sur l’eau ». Barre qu’il tint fermement, entouré de quelques fidèles équipiers, étant à la fois au four et au moulin puisqu’il cumulait les fonctions de directeur de la revue, de rédacteur en chef, d’éditeur et de directeur de la publicité.

Je crois bien que c’était un midi d’automne. J’étais ce jeune cadre d’une grande banque qui, après avoir avalé son sandwich, faisait quelques pas rue de la Régence et s’arrêtait, comme tous les midis, à la librairie, au coin de la place du Sablon, pour y acheter la dernière édition du « Soir ». Ce jour-là, il y avait beaucoup de monde dans la librairie et le libraire s’affairait à encaisser les quelques francs belges que lui donnaient ses clients pressés de découvrir leur quotidien. Quant à moi, attendant qu’il y ait un peu moins de monde au comptoir, je regardais d’un œil distrait le rayon des magazines. Une très belle photo de couverture attira mon regard : un voilier, l’étrave éclaboussée par les vagues, la coque inclinée, toutes voiles dehors, semblait sortir du magazine et se diriger vers moi. J’achetai l’exemplaire de « Voiles et Voiliers » qui, entre autres, consacrait plusieurs articles à une course à la voile autour du monde, la Withbread.

C’est ainsi que tout a commencé. Le banal trentenaire, cadre de banque perdu dans la foule anonyme de ses semblables, venait de découvrir la passion de la voile. La semaine suivante, il achetait « Yachting Sud », y découvrait une annonce du Groupe de Croisière des Bancs de Flandre et s’inscrivait à leur cours de voile. Peu après, il embarquait à Boulogne sur un Armagnac appartenant à l’Ecole des Glénan. Je m’en souviens comme si c’était avant-hier : les manœuvres de port, le chef de bord qui me crie : « Déborde ! », mon incompréhension totale du vocabulaire marin, la jolie Annette qui me tend la gaffe en mimant ce qu’il faut que j’en fasse. L’absence de moteur. La grand voile qui se déchire. Les innombrables bords tirés dans la nuit sous génois seul avant de pouvoir entrer dans la rade de Douvres. Mais la nuit était belle et j’avais barré ce superbe plan Harlé de 8 mètres 50 pendant suffisamment longtemps pour que le coup de foudre me frappe en plein cœur et que dorénavant, la voile, la mer et moi ce soit à la vie à la mort.

Voilà donc ce qui peut se passer quand on lit par hasard un magazine de voile. Et c’est bien cela la raison d’être d’un magazine comme « Yachting Sud ».

Charles Bertels, dans son éditorial du n° 864 (juillet/août 2005), intitulé « Excusez-nous du peu ! », écrivait ceci : « Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’alternative d’arrêter la publication ou de négocier un nouveau partenariat avec un groupe de presse. … Nous savons que vous aimez Yachting Sud – Sur l’eau autant que nous et qu’arrêter une publication équivaut à museler une liberté d’expression dans quelque domaine que ce soit, s’agissant ici de votre passion. … Cette édition de juillet-août 2005, limitée aux seuls coûts de production, vise avant tout à assurer une continuité dans votre légitime désir de rester des yachtsmen belges qui ont le droit d’être informés par leur mensuel ».

Le numéro est bien maigre : 16 pages seulement. Le suivant (865 – septembre 2005) passe à 24 pages et, cette fois, l’éditorial proclame : « Yachting Sud continue ». Et explique : « … Autant de réactions positives nous ont permis de choisir le nouveau partenariat qui correspondait le mieux à notre politique éditoriale qui est de publier un mensuel belge écrit par des yachtsmen pour des yachtsmen. » L’homme providentiel s’appelle Pierre-Yves Martens. Il reprend les rênes de Belgian Yachting Press et dirige toujours actuellement la publication de Yachting Sud. Quant à Charles Bertels, il conclut ainsi son éditorial : « Notre équipe rédactionnelle et graphique reste fidèle au poste pour que vous retrouviez dès le mois prochain votre Yachting Sud tel qu’il était et que vous avez souhaité qu’il continue. Merci à vous tous, nous sommes à nouveau sur le bon bord. ».

Aujourd’hui, dix-huit ans plus tard, Yachting Sud est devenu ce magazine dont plus personne ne conteste l’inventivité et le perfectionnisme de la mise en page (effectuée avec talent par l’agence PAF), ni le choix d’excellentes photos, ni la qualité des textes publiés. Mais la conjoncture a évolué. Le Covid 19 a rétréci le marché de la plaisance avant que l’inflation ne fasse sa réapparition. La hausse des prix et celle des taux d’intérêt ont effacé des années d’argent facile et de crédits à des taux proches de zéro. La presse en général et la presse nautique, la nôtre, en particulier, souffrent énormément de la hausse du prix des matières premières (le papier) et du coût de l’énergie (imprimerie).

Comme les cycles économiques ont tendance à se répéter, les experts nous prédisent la fin de l’inflation pour début 2024, qui devrait être une année de récession ou de croissance nulle, avant une année 2025 où les planètes s’aligneraient à nouveau dans le bon sens.
D’ici là, il nous faut compter sur vous qui lisez ces lignes. Il vous suffit de faire ce simple geste qui ne vous coûtera pas beaucoup : souscrire un abonnement à « Yachting Sud ». Vous ne le regretterez pas…

Merci d’avance et à bientôt !

Infos pratiques :
– Téléphone +32 2 648 06 17
– Fax: +32 2 633 22 94
– e-mail: pymartens@yachtingsud.be

Eric Van der Heyde © 09-2023
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Expo ENTRELACS à Binche, vêtements et surnaturel

Texte et images D. LYSSE © 08-2023

Le Musée du Masque, à Binche, propose, une fois de plus, une exposition d’une qualité excellente : Entrelacs, à voir jusqu’au 24 septembre 2023. Il a rassemblé, cette fois, des vêtements, le complément classique du masque lorsqu’il s’agit de traiter avec des forces irrationnelles, qu’elles soient sociales ou plutôt abstraites, de l’ordre de la psychologie ou du surnaturel. Les objets proposés sont tous exceptionnels et les commentaires toujours pertinents.

Dans les costumes de fonction traditionnels, très peu de choses sont laissées au hasard ou à la fantaisie personnelle. Les motifs concrets ou abstraits, les couleurs, les matières, les parties écrites éventuelles sont tous porteurs de significations précises qui permettent à un simple individu d’endosser un rôle social, roi, juge ou guérisseur, ou de servir d’intermédiaire avec le surnaturel. Par exemple, une chape d’évêque sera chargée d’ornements évoquant, en plus de l’histoire sainte, des lumières dorées et des allusions paradisiaques. Ou bien une écharpe brodée de guérisseur lao sera rouge parce que le rouge est la couleur du sang, associé à la force vitale, à la puissance, à la santé, liaisons symboliques qui doivent être mobilisées dans le cadre du processus de guérison envisagé.

Certains motifs figuratifs permettront de se concilier les bonnes grâces des entités métaphysiques (ancêtres, esprits, anges, divinités…) ou de repousser celles qui seraient malfaisantes. De même, ils matérialiseront les présences impalpables pour le spectateur. Ces motifs diffèrent évidemment d’une culture à l’autre, de même que la nature de ces êtres et les possibilités de dialogue avec eux. Sur des bonnets d’Asie centrale, pour porter chance, ce seront plutôt des stylisations de cornes de bélier qui seront choisies : un signe propitiatoire lié à l’abondance de troupeaux, à la fertilité et à la plénitude vitale. Et les bonnets d’enfants du sud de la Chine seront ornés de représentations de créatures mythiques protectrices, capables de tenir à distance les forces mauvaises.

Les motifs abstraits sont, eux aussi, dotés de valorisations variables. Le cercle, le carré, le triangle et les figures plus complexes peuvent être associés à des notions, à des mythes, à des mondes plus ordonnés et plus signifiants que le nôtre, qui leur feront véhiculer des influences positives, des capacités à porter bonheur ou à repousser le mauvais œil.

Les grandes étapes de la vie, naissance, petite enfance, passage de l’adolescence à l’âge adulte via une initiation, mariage ou mort, se feront évidemment sous les auspices de ce code vestimentaire complexe. Et le motif qui ornera les linceuls pourra être le même que celui des naissances, pour évoquer une possible renaissance. Ou les trousseaux qu’a préparés pendant des années la mariée pourront mentionner des signes renvoyant à la prospérité, à la fécondité, aux liens indissolubles…

Les attributs du pouvoir dans les sociétés fonctionneront de la même façon. Les rois arboreront des motifs qui mentionnent leur domination, des symboles de totalité, de force et d’harmonie. Il en ira de même pour les maîtres et les gradés de sociétés secrètes qui serviront parfois de contre-pouvoirs. Quant aux guerriers ou autres membres de professions risquées, ils afficheront sur leurs casques et revêtements les signes de la puissance, de l’adresse ou de la longévité dans un rôle protecteur et stimulant. Les prêtres, devins, chamanes, sorciers, docteurs, guérisseurs et intermédiaires divers entre le sacré et le profane useront évidemment beaucoup de toute cette symbolique, à la fois comme signe ostensible de leur mission, vis-à-vis du public, et comme aide surnaturelle dans leur tâche, du côté irrationnel. On le voit, par exemple, avec cette veste de guérisseur sénégalais.

Un cas particulier est celui de l’usage des écritures à but magique, propitiatoire ou protecteur, dans la confection du vêtement talismanique. On en trouvera de très beaux et très singuliers exemples dans l’exposition, qu’il s’agisse de passages coraniques, pour l’aire musulmane, ou d’extraits de la littérature bouddhiste ou hindouiste, avec des pièces venues de Thaïlande.

Bref, le visiteur verra ici une immense variété d’évocations de puissances irrationnelles dans un registre intimiste, à des fins d’efficacité sur le monde ou de protection contre ses aspects les plus redoutables, et dans un registre ostentatoire, social, pour afficher un pouvoir et l’aligner sur celui d’êtres surhumains. C’est peut-être, malheureusement, parce qu’elle a lieu à Binche que cette exposition n’a pas eu tout le retentissement qu’elle mérite. Au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, nul doute qu’elle eût attiré dix fois plus de curieux. Faites le déplacement, vous ne le regretterez pas !

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A Tournai, des marionnettes aux 1000 visages

Texte et images D. LYSSE © 08-2023

Le musée de la Marionnette, à Tournai, est hébergé dans le cadre intime d’une grosse maison bourgeoise. C’est une institution discrète où la Communauté française regroupe tout ce qui, dans ses collections, a trait de près ou de loin au théâtre de marionnettes. À de rares exceptions près, il s’agit d’objets issus de traditions populaires. Pas de chef-d’œuvre classé par l’Unesco, ici, et peu de grands formats. Mais, pour ceux qui ont gardé une part de la capacité de rêver de l’enfance, beaucoup de ces personnages en miniature sont étrangement dotés d’un regard, d’une présence.

Chacune des pièces exposée peut en effet raconter une histoire, ce qui était d’ailleurs leur unique fonction et raison d’être : contrairement aux statues ou aux objets décoratifs, elles devaient incarner un rôle, vivre sur une scène et interagir avec un public à travers quelques mouvements simples. Cette nécessité du dialogue explique que, dans beaucoup de cas, le caractère expressif des figurines ait été particulièrement soigné, plutôt que la perfection formelle ou la ressemblance avec un modèle précis.

À côté de quelques exemplaires industriels fabriqués à la chaîne, la collection montre surtout des ouvrages artisanaux fabriqués dans l’entourage de ceux qui allaient les utiliser. Elle nous permet d’aborder les diverses sociétés par leur côté le moins « fabriqué », le moins manipulé par les puissances politiques ou économiques. Et elle touche à la fois au versant laïc et au versant magique ou religieux.

Après un étage consacré à l’Occident, principalement à l’Europe, un autre nous fait voyager dans des zones plus éloignées. Nous y sommes interpellés par des figures moins familières, venues d’Afrique ou d’Asie, qui nous invitent à nous plonger dans des imaginaires très différents du nôtre. Des conventions plastiques beaucoup plus éloignées de la figuration permettent, par exemple, à des personnages venus du Mali d’afficher des yeux en boutons de culotte ou bien un regard immense, qui dévore tout le visage et qui incite à faire référence à une puissance magique en plus d’un simple rôle civil.

Le théâtre indonésien, encore vivant et populaire à Java, est ici largement représenté, en deux et en trois dimensions, et cela vaut la peine de traîner devant chacune des figurines, qu’ils s’agisse de princesses et princes fardés de blanc, aux traits affinés tracés au pinceau à trois poils ou de démons verts et rouges qui viennent entraîner les innocents sur le chemin de la perdition avec un sourire qui leur donne l’air d’avoir déjà longuement abusé de l’alcool ou d’autres substances similaires.

Plus loin, on voit des personnages birmans particulièrement expressifs, puis des représentants du théâtre sur l’eau vietnamien, avec un répertoire dans la veine populaire, ainsi que des figures plates thaïlandaises habillées dans des tenues de palais aussi extravagantes que celles, généralement importables, qu’on peut voir dans les plus déjantés de nos défilés de haute couture.

De Chine nous est venu tout un théâtre avec un luxueux décor en dorure et laque ainsi que les acteurs et figurants pour représenter la quête légendaire des textes bouddhistes par un maître chinois aidé des esprits et divinités les plus divers, un récit qui permettait de transmettre les valeurs fondamentales de la doctrine d’une façon imagée, pleine d’aventures et de fantastique, propre à capter l’attention.

D’Inde, enfin, on retrouve les marionnettes plates en cuir et parchemin que l’on pouvait encore voir en action, il y a quelques années, et des figures à fils, plus simples, pour un théâtre de village en voie de disparition. Les plus pressés feront le tour de l’exposition en un quart d’heure, les plus rêveurs pourront y passer beaucoup plus de temps, à examiner tous ces visages inconnus et à envisager toutes les tonalités possibles du dialogue avec eux. Quant aux enfants, ils pourront improviser des petites scènes de théâtre d’ombres avec des figurines mises à leur disposition.

Un bémol pour terminer. La limitation des moyens disponibles en Communauté française fait une grande partie du charme du lieu, le peu d’aménagements effectués dans la villa lui conservant un caractère intime et chaleureux, comme si l’on était invité par un original à visiter une gigantesque collection privée. Mais cela pourra surprendre ceux qui sont habitués aux présentations pointues et technologiques qu’on peut voir ailleurs. D’autre part, les abords du bâtiment sont assez peu engageants : la façade de verre et métal de la Maison de la Marionnette, voisine, laisse déborder du mobilier de jardin mais semble n’abriter que des activités sporadiques en été, et les anciennes annexes de la villa, qui limitent le domaine en intérieur d’îlot, menacent ruine. Une grande bâche y fait savoir : « Patrimoine en péril. Propriété de la ville de Tournai. », sans que le visiteur sache s’il s’agit d’un reproche adressé publiquement par le musée à la ville de Tournai pour l’abandon de ces constructions ou d’un appel à l’aide de la municipalité sollicitant de généreux donateurs. Quoi qu’il en soit, cela fait mauvais genre si vous amenez des hôtes étrangers. Il vaut mieux les prévenir.

Vers le musée : https://www.maisondelamarionnette.be/fr/musee/

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Nancy sous la pluie

Imaginons que vous soyez à Nancy par un été pluvieux. Toute l’Europe du sud est frappée par une terrible canicule et par des incendies mais le nord, fidèle à sa réputation, n’en reste pas moins sous une grisaille tenace. Que faire de ses journées ?

 

Avec un peu de chance, le temps pourrait être clément en soirée, au moment du son et lumière sur la place Stanislas, un des spectacles les plus créatifs qu’on puisse voir dans le genre, sans aucune intention pédagogique ni historique, pour le plaisir de suivre un rêve étrange projeté sur les façades néo-classiques, entre pieuvres géantes prenant possession des palais, profils géométriques fuyant, façon 2001 odyssée de l’espace, et envahissements de couleurs pour le seul plaisir de la surprise, de l’immersion dans des espaces en perpétuel mouvement.

Pendant la journée, pour les petits et grands enfants, l’objectif le plus adapté à l’intérieur sera sans doute le Museum d’Histoire naturelle, avec un étage entier d’aquariums, où rêver devant les merveilles et étrangetés de la nature que le vingtième siècle aura tant malmenée, pour apprendre à mieux connaître sa richesse et sa perpétuelle invention.

Un autre objectif, sans doute plus pour les adultes que pour les jeunes, est le musée de l’École de Nancy, cette tendance de l’Art Nouveau qui, au début du siècle passé, a révolutionné toutes les modes de l’époque pour rêver, déjà, d’un retour à la nature. C’est l’occasion de visiter une de ces somptueuses propriétés où, si elles n’étaient pas devenues musées, le commun des mortels aurait peu de chances d’aller un jour se promener. Et de voir les créations du maître incontesté en ces lieux : Gallé, doué d’une prodigieuse faculté d’absorption des styles étrangers. Artiste polyvalent, verrier autant qu’ébéniste, capable de produire de la verrerie arabe comme on en faisait au Caire sous le califat des fatimides puis de donner des variations sur des thèmes chinois ou japonais en rapport avec la végétation, vases en tronçons de bambou ou réceptacles à col étroit pour une tige de cerisier en fleurs.

Dans des salons meublés avec du mobilier déclinant volutes et arabesques végétales, toute la botanique est passée en revue au fil de la visite. Les amateurs y reconnaîtront des essences rares sur les flancs des vases et des coupes pendant que les autres chercheront sur internet ce que peuvent bien être les cattleyas ou les berces, pour découvrir parfois qu’il s’agit d’une mauvaise herbe absolument banale, qui poussait pas loin de la maison de leurs grands-parents et qui, isolée et mise en valeur par des mains compétentes, devient soudain fascinante.

 

Le palais des ducs de Nancy ne se visite pas actuellement, il est en réfection, mais une partie de ses collections se trouve dans l’église des Cordeliers, voisine (où l’entrée est gratuite, ce qui ne gâte rien) et l’autre au musée de Beaux-Arts, dans un des édifices de la place Stanislas. Un avantage imprévu de ce déménagement est qu’il permet le rapprochement de deux chefs-d’œuvre rarement placés côte à côte : l’Annonciation, un des rares originaux du Caravage hors d’Italie, et La femme à la puce, de Georges de la Tour, un caravagiste français qui a suivi et réinterprété à sa façon la mode du clair obscur lancée par le sulfureux peintre italien.

Le Caravage avait introduit en peinture les fonds noirs. Ils permettaient d’économiser les décors et recentraient l’attention des spectateurs sur l’action et la psychologie des personnages, généralement interprétés par des modèles à la fois sensuels et populaciers, un mélange appelé à faire scandale après l’idéalisme de la Renaissance puis à conquérir toute l’Europe. Dans son annonciation à l’audacieuse composition diagonale, on voit ainsi une Vierge Marie sagement classique, avec un profil grec inexpressif, recevoir le message céleste d’un envoyé au visage caché, laissant seulement apercevoir un bras et une épaule au traitement virtuose et à la sensualité difficilement surpassables pour un morceau aussi réduit. (Pour mieux examiner la reproduction, cliquez sur l’image.)

Chez de la Tour, en revanche, aucune lumière tombant du ciel pour illuminer le fond noir mais une simple chandelle, aucune chair ambiguë où l’érotisme latent serait racheté ou justifié par l’esthétique, mais une femme quelconque, au physique lourd, surprise pendant une corvée nullement éthérée, occupée à essayer d’écraser entre deux ongles la puce qui la démange depuis un moment dans l’obscurité d’une alcôve. La confusion est impossible avec un ange ou avec une Vénus ou même, pour prendre une comparaison plus actuelle, avec une Barbie !

 

On a beaucoup glosé sur ces fonds noirs du Caravage et de ses héritiers : puisqu’ils sont à peu près vides, ils permettent à chacun d’y poser la signification qu’il veut. Les fonds noirs de Rembrandt, par exemple, sont supposés accueillir un éclat de la lumière divine dans le monde d’obscurité et de perdition postulé par le protestantisme hollandais. Les fonds noirs du Caravage auraient alors pu suggérer une sorte de rédemption par l’esthétique, au-delà des censures et barrières morales traditionnelles. Et ceux de Georges de la Tour pointeraient alors vers une rédemption des humbles, de l’immense peuple des sans-grades, petits tricheurs aux cartes et escrocs sans envergure, femmes de ménage, laitières ou boulangères qui, par leur simplicité, mériteraient gracieusement une illumination céleste que les instruits et les nantis devraient pour leur part gagner par un effort de chaque instant. Quoi qu’il en soit, le rapprochement actuel de ces deux grandes œuvres, témoignant de deux interprétations si divergentes des mêmes contraintes plastiques, est comme une invitation à l’exercice interprétatif. N’hésitez pas, lâchez-vous, ça occupe en attendant que la pluie cesse et qu’on puisse à nouveau se promener !

Texte et images D. LYSSE © 07-2023
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RWANDA : une découverte …

Rarement un pays, en voie de développement, après des guerres et surtout un génocide s’en est sorti indemne, avec une évolution époustouflante et un progrès surprenant, ceci dans tous les domaines. L’économie s’est alors relancée de façon spectaculaire.

En matière d’égalité entre les sexes, sujet toujours d’actualité dans le monde en ce 21e siècle, dans les parlements du monde entier où les hommes sont très généralement beaucoup plus présents que les femmes, le Rwanda est le seul pays mondial dans lequel les femmes sont majoritaires avec 49 femmes sur 80 sièges (61,25%), avant Cuba 322f/605s (53,22%) – Bolivie 69f/130s (53,07%) –Mexique 241f/500s (48,20%) et le premier pays occidental, en cinquième position, la Suède avec 165f/349s, 47,27% ! (1) Source UIP : Union InterParlementaire – Etat de la situation au 1er février 2019.

Le tourisme pratiqué dans des aires protégées a constitué l’une des plus importantes sources de revenus pour plusieurs pays en développement. Au Rwanda, les aires protégées constituent la pierre angulaire du secteur touristique. En effet, ne possédant pas suffisamment de monuments historiques pour témoigner de l’existence d’une architecture ancienne, le secteur touristique rwandais repose sur sa nature sauvage assez exceptionnelle qu’abritent les parcs nationaux.

Mais suite à l’histoire tragique de ce pays, il y a des lieux qu’il ne faut pas manquer de voir sous aucun prétexte.

En arrivant à Kigali, il faut rendre hommage aux victimes des massacres du génocide de 1994 par des visites émouvantes et interpellantes :
• « Kigali Genocide Memorial » : mémorial et centre commémoratif du génocide, qui se trouvent à Gisozi, à dix minutes du centre-ville. Le mémorial donne l’ampleur du massacre si violent en si peu de temps. C’est en même temps un cimetière, un musée et un lieu de recueillement et d’histoire. Le reste des dépouilles des victimes qu’on trouve ici ont été apportées de tous les coins de la capitale, après avoir été laissées dans la rue ou jetées dans la rivière. Elles sont enterrées ensemble dans des compartiments.

Camp Kigali

• « Camp Kigali et le mémorial belge » : hommage aux soldats belges. La vieille barrière et le poste de garde sont toujours là, mais l’entrée est condamnée par un portail. L’accès à l’ancien camp militaire se situe désormais à quelques mètres du « Kigali Conference and Exhibition Village« , le prestigieux centre de conférences de la capitale rwandaise. Après avoir franchi le portique de sécurité, la façade du bâtiment, criblée de dizaines d’impacts de balles, témoigne du déchaînement de violence que le camp Kigali a connu. Le 7 avril 1994, dans les premières heures d’un génocide, dix para-commandos belges, membres de la Mission de l’ONU pour l’assistance au Rwanda (Minuar), ont été massacrés ici. Vingt-cinq ans après, des taches de sang recouvrent encore les murs. Le camp est toujours gardé et entretenu par un congolais de 69 ans, employé de la représentation militaire de l’ambassade belge. Il a assisté et survécu aux massacres, il est présent aux différentes cérémonies commémoratives au camp. Normalement, il devrait être pensionné mais sa maigre pension l’oblige à travailler encore, +/- 48h semaine, pour un salaire de 80.000RWF (francs rwandais) soit 80€ par mois. Honte à la Belgique !

• « Campaign Against Genocide Museum », Kigali (Parliament) / Musée de Campagne contre le Génocide : Situé dans l’enceinte du Parlement et à 800 mètres du « Kigali Convention Center« . Après le passage du portique de sécurité de l’entrée principale du Parlement, on est accueilli avec un sourire, une générosité singulière et la fierté d’une jeunesse qui en veut et qui est dévoué à expliquer et à retracer l’histoire et le plan de campagne contre le génocide exécuté par le Front Patriotique Rwandais (FPR). J’ai profité d’une visite avec des explications et des éclaircissements pendant 3h30 puis une discussion enrichissante et enthousiasmante avec une parlementaire.
Le bâtiment du parlement porte encore les stigmates de la guerre, de grands trous d’obus sont visibles depuis le boulevard et sont préservés pour la mémoire.

La capitale comme le reste de pays tient à une sécurité absolue. Tous les lieux, les monuments, les bâtiments, les magasins, … publics et privés sont gardés et un passage par un portique de sécurité, avec vérification des sacs et du corps, est obligé, ce qui donne au début une petite frustration mais on s’y habitue et on y adhérera par la suite.

• Pour comprendre l’histoire de la capitale Kigali, il ne faut pas manquer de visiter le « Kandt House Museum » : Ce musée, anciennement connu sous le nom de National History Museum (NHM), a été rénové et rebaptisé « Kandt House Museum » le 17 décembre 2017. Il est installé dans la belle et auguste demeure de Richard Kandt, médecin et chercheur allemand, qui n’est autre que le ‘fondateur’ de Kigali en 1907. Kigali devient la capitale à l’indépendance, en 1962. Jusqu’alors, la capitale était située à Nyanza, la capitale monarchique (à y découvrir le King’s Palace Museum). Le musée Kandt présente la vie du peuple rwandais sous tous ses aspects (social, économique et politique) avant la période coloniale, il retrace ensuite la vie et l’œuvre de Richard Kandt au Rwanda, le passé colonial sous domination allemande et l’histoire de la capitale.

Moto-Taxi

Si on est seul ou à deux, on peut circuler dans la capitale ou dans les grandes villes en moto-taxi, en toute sécurité, avec casque obligatoire pour le conducteur et le client, une vitesse raisonnable, une reconnaissance légale de chaque motocycliste par mention de son nom et matricule sur sa veste florescence de sécurité. Les prix sont très concurrentiels par rapport aux taxis-voitures, ce prix est à fixer, de préférence, avant l’embarquement pour éviter toute discussion. Le charme et les découvertes seront inattendus.

Comme le pays a une population très jeune, celle-ci est extraordinairement branchée nouvelle technologie, très dynamique, travailleuse et courageuse. Dans tous les bus, le Wi-Fi est à disposition et surtout gratuit ! Une carte SIM rwandaise (2GB pour 2,50€) suffit pour être connecté au monde. Dans tous les lieux : cafés, restos, hôtels … les employés encoderont pour leurs clients naturellement les mots de passe de leur Wi-Fi.

Clean in Rwanda

Une fois par mois, sous peine d’amende, les Rwandais sont priés de travailler gratuitement au service de la communauté pour le jour d’Umuganda, dernier samedi de chaque mois. Ces travaux obligatoires visent à renforcer l’unité nationale où les traumatismes du génocide sont encore très vivaces. Depuis 2007, l’Umuganda, « le jour du nettoyage », est même inscrit dans la Constitution. En quelques décennies le pays est devenu très très propre. Le Rwanda est précurseur dans l’abandon de sacs plastiques, dont l’importation et l’utilisation sont interdits depuis 2004.

Pour bien être dépaysé et découvrir des lieux insolites et une population Rwandaise accueillante et surtout non-accrocheuse, comme dans certains pays touristiques, on ne le dit jamais assez : il faut sortir des sentiers battus.

Kimironko Market

Un marché gigantesque à Kigali se doit d’être mentionné dans ce périple, le « Kimironko Market » : un dédale d’allées, avec des stands de -/+ 1m de large, toutes fournies de marchandises diverses, tissus, chaussures, vaisselles, souvenirs, artisanats … et le côté alimentaire regorge de fruits, légumes, poissons, viandes, un détour à faire ! C’est beau, c’est propre et bien rangé, jusqu’aux piles de pommes de terre ou de concombres ! Comme tout marché, l’art de négociation de prix est de rigueur. La totalité du marché est couverte, pratique sous le soleil ou la pluie.

Le premier et probablement le plus compliqué est l’absence de dessert dans la culture culinaire rwandaise. Pas de spécialités locales sucrées malgré un goût marqué des Rwandais pour les cuillères bien dodues de sucre ou du miel dans le thé ou le café. Il y a bien quelques fruits tropicaux à savourer toute l’année comme la papaye, l’ananas, les « tree tomatoes » (Tamarillo, une espèce de tomates un peu acide appelé aussi ‘tomates espagnoles‘), différents types de fruits de la passion (grenadille, maracuja jaune, sucré ou acide), les bananes, la mangue, « jackfruit » (jaquier ou jacquier). Cependant, même ces derniers sont surtout consommés lors du petit-déjeuner et peu en fin de repas.

Akagera National Parc

Le pays des mille collines est petit et les visites des différents parcs peuvent se réaliser à partir de Kigali, c’est juste une question de bonne gestion et de bonne planification. Une voiture de location 4×4 avec chauffeur-guide est conseillée pour un safari dans le parc national d’Akagera, « Akagera National Parc » (girafes, zèbres, hippopotames, rhinocéros, éléphants, une vingtaine de lions/lionnes, crocodiles …), une visite des plantations de café dans les régions Mabanza, une promenade à Kibuye : visite du « Museum of Environment », promenade en barque/bateau sur le Lac Kivu et découverte de ses îles avec l’insolite ile Munyanini et ses milliers de chauves-souris. Le « Nyungwe National Park » est l’un des parcs les moins fréquentés du Rwanda, qui s’étale sur plus de 1.000m2, et pourtant il vaut le détour, la plus petite randonnée avec guide obligatoire dure de 2 à 3h. Son pont suspendu « Igishigishigi trail » de +/- 80-90 mètres de hauteur, construit par les Canadiens et entretenu par les jeunes ingénieurs Rwandais, se trouve sur le billet de 500RWF. Ce havre abrite environ 275 espèces d’oiseaux, plus d’une centaine d’espèce d’orchidées, treize espèces de primates, des chats dorés, antilopes noires ou encore des sangliers … La plupart des touristes préfère passer le temps dans le « Volcanoes National Park », le parc national des volcans, pour voir les gorilles, à 1.500$ la visite par personne, que dans cette forêt tropicale et humide et qui est la plus grande forêt de montagne d’Afrique !

Traitement du Café
(par voie sèche ou par voie humide)

Igishigishigi trail

Lac Kivu

Museums

Les autres musées nationaux (2) à découvrir : Ethnographic Museum (Huye District), Rwanda Liberation Museum (Gicumbi District), Rwanda Art Museum (Kicurico District).

Choisir un logement de vacances au Rwanda permettra de ménager les finances et c’est, en soi, un avantage très appréciable. Différentes possibilités de réservation d’une location de vacances sont possibles soit dans un appart-hôtel (‘Prima 2000 Apartments‘   à Kigali), c’est s’offrir un petit chez-soi dans un autre pays soit dans un guesthouse soit dans une chambre d’hôtes de charme (3) (>> Kimi House – Central location – Breakfast included à Kigali via Airbnb). Dans ces logements, on peut y vivre sans contrainte horaire, ils sont, en règle générale, plus spacieux, plus conviviaux et moins onéreux que les chambres d’un hôtel. Mais parfois, une ou deux nuits dans un lodge sont nécessaires pour économiser du temps de visite et découvrir d’autres contrées.

Le modèle du pays est exemplaire, c’est un eldorado, avec des progrès écologiques et économiques mais l’avenir du pays est encore incertain, entre la surpopulation, le possible conflit avec ses pays voisins et le risque politique en général.

Mohamed Gargouri

(1) www.ipu.org
(2) Rwandan Museums
(3) Chambres d’hôtes de charme à Kigali

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Expos Asie Centrale à Paris

Cet hiver, deux expositions importantes traitant de l’Asie centrale sont à voir à Paris : Afghanistan au musée Guimet (jusqu’au 6 février 2023) et Ouzbékistan au Louvre (jusqu’au 6 mars 2023).

1. L’Afghanistan à Guimet

Pendant très longtemps, avant que ne s’ouvrent des routes maritimes au long cours, l’Asie centrale a été le principal point de contact entre la Chine et le monde méditerranéen ou l’Inde. En marge des déferlements d’armées, la région a vu s’établir au fil des siècles, vers le début de notre ère, de fructueuses voies commerciales. Et les constructions culturelles qui y sont nées ont parfois changé la face de la planète.

La culture indienne, par exemple, dans sa forme bouddhiste, très liée jusque-là à son terroir, a élaboré sur ces confins montagneux ou semi-désertiques une version aisément exportable de ses doctrines, qui s’est ensuite diffusée jusqu’au Japon en suivant les routes caravanières contournant le massif du Tibet. Le Bouddha avait, en effet, interdit qu’on le représente personnellement, et l’interdiction a perduré pendant plusieurs siècles. Mais quand le bouddhisme a été en contact avec les traditions plastiques et la propagande sculptée des royaumes indo-grecs issus des conquêtes d’Alexandre le Grand, le besoin d’une iconographie plus performante est devenu plus pressant. L’outil qui a été alors mis au point s’est avéré un formidable moyen d’enseignement populaire et de propagation de sa pensée et de ses mythes.

C’est au nord de l’actuel Pakistan (dans l’ancien Gandhara), peu avant le tournant de notre ère, puis dans le territoire qui est aujourd’hui l’Afghanistan, qu’est née cette extraordinaire synthèse et qu’elle s’est perfectionnée. Et dans ce vaste creuset d’influences disparates, la doctrine bouddhiste même a évolué de façon très créative vers la version dite « mahayana », relativement différente de l’austère enseignement indien primitif.

Les lieux de naissance de ces bouleversements culturels ont été longtemps oubliés, ensevelis par le passage du temps et des armées. Il a fallu attendre la fin du 19e siècle et le début du 20e pour que leur importance redevienne évidente, et que la région soit l’objet d’une attention soutenue des archéologues. Dans ce cadre, la Délégation archéologique française en Afghanistan a largement contribué aux fouilles. La présente exposition retrace un siècle de cette collaboration.

On savait les vitrines du musée Guimet particulièrement riches et attractives concernant ce domaine mais cette exposition révèle que, sans quasiment les dégarnir, l’institution possède encore dans ses réserves de quoi éblouir et faire rêver le visiteur. Il s’agit parfois ici de grande statuaire mais surtout de pièces plus intimistes : parements d’autels ou décorations de stupas. L’imaginaire religieux hérité de l’Inde s’y déploie pleinement, mêlé à la sensualité de l’art hellénique, ainsi qu’à une certaine pompe héritée de la propagande impériale romaine. Au fil du parcours, on peut observer dans une forme encore très souple et très inventive ces figures qui ne tarderont pas à devenir classiques et qui traverseront ensuite sans changement fondamental les siècles et les frontières.

L’exposition à Guimet se poursuit par une section consacrée aux produits d’importation trouvés en Afghanistan. Le trésor de Begram, datant du premier ou du deuxième siècle, en est le centre, avec ses objets chinois, ses luxueuses verreries importées d’Alexandrie d’Égypte, et son célèbre ensemble d’ivoires indiens aux voluptueux dieux, déesses, apsaras et gandharvas encadrés de rinceaux peuplés des bêtes mythologiques les plus diverses. L’ensemble témoigne surtout du cosmopolitisme et de l’immense prospérité de la région aux alentours du début de notre ère.

Vient ensuite une section islamique, domaine que les aléas de l’histoire des cent dernières années ont moins permis à l’école française d’approfondir. À un autre étage du musée, le visiteur pourra également voir une belle présentation de créations textiles traditionnelles et contemporaines réalisées par des artistes et des artisanes afghanes. Une mise en valeur qui n’est pas superflue à l’heure où le retour des intégristes au pouvoir met gravement en péril le statut et la liberté de la femme dans la société.

Soit dit en passant, la pratique de partager les trouvailles des fouilles archéologiques entre les musées afghans et les institutions occidentales qui finançaient les recherches, pour discutable qu’elle puisse être dans l’absolu, s’est avérée, dans ce cas-ci, providentielle. Une partie des objets a ainsi pu être protégée des pillages et des destructions programmées par les talibans et autres fondamentalistes, qui se sont attaqué avec un bel esprit de système aux collections archéologiques des musées afghans ainsi qu’aux monuments et aux sites pré-islamiques. Leurs saccages ont été d’autant plus faciles à mettre en œuvre que, contrairement à la statuaire grecque et romaine, en bronze ou en marbre, beaucoup des réalisations antiques de la région avaient été réalisées dans des matériaux souples à travailler mais fragiles, comme l’argile non cuite ou le stuc. Une série de photos vient documenter ces exploits en clôture de l’expo.

2. Trésors d’Ouzbékistan au Louvre

L’exposition du Louvre est moins vaste que celle dont nous venons de parler, mais elle est également fascinante, et les deux se complètent. On peut voir ici des pièces rares venues des oasis d’Asie centrale, dans l’actuel Ouzbékistan, qui constituaient des étapes obligatoires sur les routes commerciales contournant le plateau himalayen par le nord.

On y trouve, naturellement, des pièces bouddhistes qui témoignent de la propagation vers le nord-est des images créées au Gandhara puis répandues par l’empire kouchan. On peut constater à cette occasion comment, en se diffusant, la synthèse d’origine, assez expérimentale, perd peu à peu de sa souplesse, de son invention pour devenir à son tour un code contraignant, avec ses conventions scolaires et ses formules dogmatiques, tendance qui ira en s’accentuant à mesure que passeront les siècles et que s’éloignera le milieu qui lui a donné naissance.

Ceux qui ont eu la chance de visiter l’Ouzbékistan seront agréablement surpris de pouvoir contempler ici des œuvres que l’on croise difficilement sur place, parce qu’elle restent dans des réserves ou parce qu’elles ont été prêtées au Louvre par des institutions beaucoup plus confidentielles et moins accessibles que le musée national de Tachkent.

À côté des pièces qui témoignent de la vitalité de la prédication bouddhiste, on en trouve d’autres, tout aussi intéressantes, provenant de la culture régionale pré-islamique, à une époque où les autorités étaient de plus en plus souvent d’origine mongole mais se révélaient ouvertes aux influences culturelles provenant des populations locales ou des échanges commerciaux. C’est un peu du parfum d’un monde cosmopolite oublié qui nous est proposé avec les œuvres montrées, elles aussi particulièrement fragiles, faites de stuc ou d’argile non cuite.

Il est à cet égard remarquable qu’ait été déplacée la fresque à l’éléphant qui sert d’affiche, réalisée sur un support extrêmement friable. Un peu comme les fresques de la salle des ambassadeurs, qu’on peut voir dans le musée de la ville ruinée d’Afrasiab, juste à côté de Samarcande, cette peinture murale témoigne du luxe, du goût pour la couleur, d’une certaine sensualité et de l’ouverture d’esprit de ceux qui régnaient sur ces riches métropoles commerçantes peu avant les bouleversements islamiques.

La section islamique témoigne joliment, à son tour, du mélange d’influences s’exerçant sur ces territoires très excentrés par rapport aux cœurs des empires. On voit qu’ici aussi, comme dans le cas du bouddhisme, l’interdiction stricte des images voulue par le fondateur a fini par être contournée. Sous l’influence de la Perse et, dans une moindre mesure, de l’Inde, l’habitude d’illustrer les manuscrits de luxe avec des miniatures a été adoptée. On sait, dans le même ordre d’idée, que les conquérants et bâtisseurs mongols et turcs à Samarcande et à Boukhara ont fait orner les façades de leurs plus prestigieuses mosquées d’animaux emblématiques, phénix ou tigres portant le soleil, qui auraient beaucoup étonné sur des édifices religieux dans la lointaine Arabie.

Au fil de ces deux expositions, on découvre au passage les joies et les périls du cosmopolitisme. Si l’on en croit l’exemple du bouddhisme évoluant en marge des centres indiens, à la porte de l’Asie centrale, le résultat du contact entre cultures très étrangères ne débouche pas obligatoirement sur un abâtardissement des doctrines. Si elle est bien conduite, par des milieux à la fois créatifs et tolérants, la recherche d’une synthèse peut parfois mener à un élargissement des horizons mentaux. Et cette évolution de certitudes devenues figées, locales et étriquées, peut même ouvrir la porte à un nouveau dynamisme, à une diffusion inespérée (et pacifique) de l’essentiel des messages d’origine sous des formes rénovées.

Texte et images D. LYSSE © 01-2023

Infos :
– Splendeurs des oasis d’Ouzbékistan au Louvre : www.louvre.fr
– Afghanistan – Pakistan : www.guimet.fr

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Musées à volonté

Le prix d’entrée dans un musée, dans une exposition ou dans une institution culturelle vous a-t-il parfois dissuadé de pousser la porte ? Pour ceux qui ne disposent pas de carte de presse (ou pour les lieux où celle-ci n’est pas acceptée), pensez alors au PassMusées ou MuseumPass : (https://www.museumpassmusees.be/fr/offre)

Pour 59 euros, un peu plus d’un euro par semaine, vous aurez le libre accès pendant un an dans presque tous les grands musées du pays et dans des centaines d’institutions moins connues. Seuls les lieux gérés par des fabriques d’église font exception : impossible d’accéder à l’Agneau mystique, à Gand, ou au trésor de la cathédrale de Tournai (quand il est ouvert…) avec cette carte. Mais l’ensemble de l’offre reste si vaste et si diversifié que vous n’arriverez pas au bout des visites en un an ni en cinq, même en y apportant une énergie maniaque.

Un des avantages de cette carte est que le nombre de visites dans un même endroit n’est pas limité. On peut donc explorer les grands musées près de chez soi par petites sections, sans devoir parcourir tous les couloirs très vite, en une fois, jusqu’à saturation. Ce libre accès permet également d’entrer jeter un coup d’œil dans des musées plus petits ou un peu singuliers, que l’on côtoie parfois depuis des années sans avoir jamais su ce qu’ils contenaient. On peut alors y passer quelques minutes, le temps de satisfaire superficiellement sa curiosité, ou y rester beaucoup plus longtemps si des affinités imprévues avec les collections apparaissent.

Ci-dessous, on trouvera trois exemples de ces musées de taille réduite dont la silhouette fait partie du paysage urbain mais qu’on connaît trop peu, auxquels le PassMusées donne le libre accès.

1° la Porte de Hal, à Bruxelles

Bien qu’il ait été rénové, on dit le lieu menacé de fermeture prochaine, faute de budget et de personnel. C’est donc le moment de s’y rendre, avant qu’il soit trop tard. Le musée de la Porte de Hal se prête pourtant bien à une sortie pas trop longue mêlant culture et délassement. Encore plus s’il y a des enfants ! Tout est là pour les faire rêver : le bâtiment à l’aspect redoutable, l’interminable escalier en vis, et, tout en haut, le chemin de ronde à créneaux d’où l’on découvre le panorama sur le sud-est de la ville. Pour titiller la curiosité et faire songer à des voyages dans le temps, des gadgets ingénieux ont été ajoutés là-haut, des sortes de longue-vue qui permettent de voir le paysage environnant, animé, tel qu’il était à l’époque de Brueghel. L’expérience en dit long sur la croissance démographique et l’urbanisation intensive des derniers siècles.

Les objets exposés dans le bâtiment sont tous plus ou moins liés à la défense de la ville et à la sécurité urbaine. La mainmise seigneuriale sur l’armée et sur les ouvrages militaires est évoquée au premier étage, dans la grande salle gothique, avec, en plus du matériel de prestige auquel on peut s’attendre, des pièces qui sortent de l’ordinaire : l’armure d’apparat ainsi que les chevaux empaillés et équipés qui ont servi pour la joyeuse entrée des archiducs Albert et Isabelle venus occuper leur poste de gouverneur à la fin du XVIe siècle, par exemple. Ou, plus intime, le berceau de Philippe le Beau, le père de Charles Quint.

Le deuxième étage est consacré au contre-pouvoir des guildes et corporations bourgeoises, qui ont pris une part toujours plus active dans la défense et la politique de la cité. Cette montée en puissance des marchands et artisans au fil des siècles dans les affaires publiques est montrée ici à l’aide des accessoires luxueux qui étaient les emblèmes de leurs compagnies, de leurs chefs et de leurs champions lors des défilés, concours et autres ommegangs. On remarquera, entre autres, les colliers et les décorations accordées aux plus adroits lors des concours couronnant les entraînements au tir nécessaires à la constitution de milices.

Il n’y a pas des milliers d’objets mais tout y est de qualité, bien choisi, bien présenté, bien éclairé. Et une exposition temporaire complète les collections. Actuellement, elle montre des petits théâtres en papier, qui permettaient jadis de reconstituer et rejouer à domicile contes et pièces à la mode.

 

 

2° le Trinkhall Museum, à Liège

© Ville de Liège – Urbanisme, Jean-Pierre Ers

Un autre de ces lieux emblématiques que les passants et riverains connaissent de vue sans y être obligatoirement entrés est le Trinkhall Museum, à Liège. Il se trouve dans un bâtiment à l’aspect futuriste posé dans le parc d’Avroy, à Liège, près de la gare et d’un des grands boulevards de la ville.

Il présente des œuvres de cet art dit « brut », œuvres créées par des psychotiques, des artistes souffrant de handicaps mentaux et par d’autres personnalités fragiles que l’on classe généralement en marge de la société. Poussez la porte des lieux sans a priori, sans vous attarder devant les étiquettes et les classements, sans chercher à savoir si tel dessin provient d’un artiste authentiquement « brut » ou d’un peintre plus ou moins reconnu et professionnel venu confronter son travail aux artistes des ateliers protégés. Le jeu est ici de se rendre aussi disponible que possible à l’inconnu, à la surprise.

L’art contemporain professionnel nous a de toute façon habitués à tous les excès, aux bizarreries, aux montages minimalistes ou à la quasi-vacuité des espaces et des contenus. En comparaison, ce qui est montré ici peut se révéler immensément plus touchant, plus direct, plus véridique, dans le sens où il ne s’agit souvent pas d’objets fabriqués pour un marché mais de créations venues du plus profond de l’être et accouchées tant bien que mal, au gré de l’habileté ou du savoir-faire de chacun.

Certaines techniques s’avèrent particulièrement adaptées à la situation des auteurs, comme la gravure sur lino, par exemple, qui combine une phase entièrement spontanée au moment de la création de la matrice originelle en linoléum avec une autre phase très technique, très maîtrisée, souvent effectuée par un assistant, au moment du tirage. Ces deux étapes distinctes permettent de donner au résultat un bel équilibre entre un côté formellement impeccable et un autre plus improvisé, vécu.

L’accrochage actuel du musée, agréablement varié, est par ailleurs d’une qualité remarquable. Chaque œuvre y est à la fois une proposition insolite et une réussite plastique. On ne peut que recommander la visite qui en surprendra plus d’un.

3° l’Hôtel de ville d’Audenarde

La célèbre silhouette de l’hôtel de ville d’Audenarde domine le paysage du centre urbain, particulièrement radieuse quand viennent l’illuminer les premiers rayons du soleil. Mais ici aussi, les murs cachent un musée attachant, à taille humaine, qui ne demande pas une visite tournant au marathon.

Comme plusieurs autres endroits de la région, Audenarde a connu pendant un moment, au 16e siècle, une industrie du luxe assez prospère, centrée sur la tapisserie. Ce centre de production, de même que ceux d’Enghien et Grammont, s’était spécialisé dans des tapisseries ornées de scènes de genre ou de scènes mythologiques un peu conventionnelles entourées de somptueuses bordures montrant des fleurs, des fruits, de menus animaux et de la végétation en tout genre.

Cette verdure, qui faisait l’image de marque et la réputation des ateliers, finissait parfois par envahir tout le champ de l’image. Dans quelques cas, pour varier l’offre, on choisissait comme sujets des scènes très étranges montrant des animaux fantastiques que ne désavoueraient pas les créateurs de jeux vidéo contemporains. Le visiteur se promène donc (dans une faible lumière pour protéger les couleurs très fragiles) parmi des représentations d’une nature exubérante, où des salades et des chardons géants peuvent abriter des daims et des perroquets, et où des guirlandes de fleurs et de fruits gigantesques peuvent être portées ou escaladées par de minuscules personnages.

Le parcours est complété, à d’autres étages et sous des combles impressionnants, par une collection de peintures et d’argenterie et par une présentation de la région des « Ardennes flamandes ».

 

 

Conclusion

Il ne s’agit là que de trois propositions mais il en existe des centaines d’autres sur la carte interactive du site du PassMusées. Pour une sortie hivernale, près ou loin de chez soi, avec des enfants ou entre adultes, dans le domaine des arts ou dans celui des sciences, qu’on penche plutôt pour les iguanodons de Bernissart, pour l’aquarium de Liège, pour le musée en plein air de Bokrijk ou pour les miniatures de la bibliothèque des ducs de Bourgogne, on trouvera toujours dans ce vaste catalogue quelque chose d’intéressant ou d’imprévu.

Et puisque les fêtes sont à nos portes au moment où cet article est rédigé, pourquoi ne pas envisager d’offrir la carte en cadeau ?

Texte et images D. LYSSE © 11-2022
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Randonnées pour l’automne par le train

L’automne est une saison très agréable pour la randonnée… à condition qu’il fasse sec. Parmi les itinéraires accessibles en train, au départ comme à l’arrivée, voici trois propositions qui, cette fois encore, longent des rivières ou d’anciens canaux, loin de la circulation automobile : la Dendre de Grammont à Ath ; l’ancien canal du Centre depuis La Louvière jusqu’à Mons ; et le canal joignant Malines à Louvain.

1° La Dendre de Grammont à Ath, 22 km

C’est l’un des itinéraires les plus agréables qu’on puisse choisir pour ces promenades d’une journée. Le cours de la rivière est resté très sinueux, très peu rectifié. Il offre des vues perpétuellement changeantes, et le paysage le long des berges est assez préservé. À l’automne, lorsque la brume s’élève du cours d’eau ou transpire des champs, les levers de soleil à contre-jour sont assez féeriques. Ce qui justifie, d’ailleurs de partir de Grammont et de marcher dans le sens nord-sud plutôt que dans l’autre, en partant d’Ath.

La faune est aussi très variée, pas trop nerveuse, et se laisse observer, du moins avant le début de la chasse. Pour ceux qui disposent d’un bon matériel de photo, c’est l’endroit idéal pour immortaliser des biches, des chevreuils, des faisans, des hérons, des cormorans, d’innombrables poules d’eau et canards. Même ceux qui, comme moi, n’utilisent qu’un petit appareil de poche vont se sentir doués pour les clichés animaliers. Le vrai défi, pour les photographes les plus adroits, c’est de capter une trace des furtifs martin-pêcheurs, qu’on reconnaît en vol à leurs ailes d’un bleu éblouissant mais qui ne s’attardent jamais à la vue.

À peu près à mi-parcours, sans quitter les bords de la rivière, à Lessines, le promeneur aura le plaisir de longer les beaux bâtiments de l’ancien hôpital Notre-Dame à la Rose. La visite du musée, consacré à la vie religieuse et médicale du passé, peut s’avérer assez difficile pour des marcheurs qui veulent continuer ensuite leur balade pendant une douzaine de kilomètres : il n’ouvre qu’à 14 heures, ce qui obligerait à terminer la promenade assez tard, et le prix d’entrée peut décourager. Cela n’empêche pas de contempler le bâtiment de l’extérieur, et de voir notamment le très riche jardin des plantes médicinales, en accès libre, de l’autre côté de l’édifice.

L’arrivée à Ath permet de traverser la ville pour rejoindre la gare et de jeter un coup d’œil au passage à une curieuse, très archaïque (et très restaurée) forteresse des comtes de Hainaut, transformée en maison de la culture.

2° L’ancien canal du Centre, de La Louvière à Mons (23 km)

Rejoindre l’ancien canal du Centre depuis l’arrière de la gare de La Louvière oblige à longer un moment une grand-route sans charme mais, à peine sur le chemin de halage, le décor change. En effet, cette voie d’eau est désaffectée depuis qu’a été creusé le canal à grand gabarit qui la double, à peu de distance, et le promeneur circule à travers des paysages redevenus très paisibles, bordés régulièrement de petites maisons ouvrières en briques sous de grands arbres

Pendant les douze ou treize kilomètres qui suivent, nous sommes conviés ici à de l’archéologie industrielle. Les ouvrages d’art qui parsèment le trajet étaient à la pointe du progrès, à la fin du 19e siècle : ponts-levis métalliques à balancier pour les routes étroites, ponts tournant pour les chaussées plus importantes et, surtout, plusieurs ascenseurs à bateaux qui permettaient de corriger des dénivellations impressionnantes.

Le rythme de la marche est ici très bien adapté et permet de découvrir ces architectures lentement, sous divers angles et éclairages. Si la porte est ouverte (elle l’était lors de mon passage), cela vaut la peine d’aller jeter un coup d’œil à une partie de la machinerie de l’ascenseur numéro trois, à Bracquegnies. On y voit d’énormes engins arborant fièrement les noms d’industries qui ont fait de notre pays un des plus riches du monde, au dix-neuvième siècle, et qui sont aujourd’hui disparues (ou qui sont devenues périphériques dans de vastes conglomérats transnationaux).

Un peu plus loin, sur le nouveau canal, c’est le nouvel ascenseur à bateau de Strépy-Bracquegnies qui impressionne en dominant de sa masse énorme tout un morceau de village : récemment construit, il remplace à lui seul tous ceux qu’on a croisés jusqu’ici, et permet le transit de péniches aux tonnages autrement plus imposants. Les derniers pont-levis et machineries anciennes, avec leurs dentelles de fer, semblent des jouets en comparaison, des objets pittoresques.

Les deux dernières heures du trajet, quand on quitte l’ancienne voie d’eau pour longer le large canal moderne sont d’un intérêt plus réduit, en comparaison. Et comme on arrive à Mons par le plan d’eau dit « le Grand Large », qui se trouve du côté de la gare, il est difficile de se motiver encore pour aller faire un tour sur la grand-place ou pour monter au parc du beffroi : après 23 bornes, rares sont ceux qui se sentiront le pied suffisamment léger, on pense plutôt à reprendre un train pour rentrer à la maison.

3° Le canal Malines-Louvain (26 km)

Très facile d’accès depuis la gare de Malines, qui se trouve quasiment au bord de la voie d’eau, ce canal, largement désaffecté et donc très tranquille, lui aussi, est plus récent que le précédent. Il traverse par ailleurs des régions qui sont plus densément peuplées et plus industrieuses. L’ensemble du trajet en est moins pittoresque, et l’aspect sportif est à envisager d’abord, dans ce cas : on peut circuler d’un bon pas, sans risquer de se perdre, tout en restant à une certaine distance de l’urbanisation galopante et du trafic automobile (dont le bruit ne s’arrête pourtant jamais complètement).

Les sportifs du coin ne s’y trompent d’ailleurs pas et le chemin de halage est assez fréquenté, par des promeneurs de chiens, qui font quelques kilomètres, par des cyclistes, individuels ou en vastes clubs, qui passent parfois à grande vitesse, et aussi par des pêcheurs qui viennent à vélo ou à motocyclette installer tout un campement pour la journée.

Il est important ici de prendre avant le départ quelques clichés de l’itinéraire sur « https://www.vlaanderen-fietsland.be/nl/routeplanner » ou, au moins, sur place, de regarder attentivement les indications pour les randonneurs et les vélos. En effet, dans la deuxième moitié du parcours, vers Louvain, une seule des deux rives est aménagée d’un bout à l’autre pour les promeneurs, l’autre est interrompue par des installations industrielles qui forcent à un contournement long et peu pratique. Il importe aussi d’avoir agrandi le plan de l’arrivée à Louvain. Il n’est pas évident, en effet, de rejoindre la gare au plus court depuis le canal, et les trois derniers kilomètres ne sont pas les plus agréables, dans un environnement urbain de ponts routiers et ferroviaires, et de voies d’accès rapides pour les voitures.

Bonne(s) promenade(s) !

Texte et images D. LYSSE © 10-2022
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Train et rando : la Sambre, de Namur à la frontière française

Parmi les itinéraires de randonnées accessibles en train, au départ comme à l’arrivée, il faut évidemment signaler beaucoup de routes, cyclables et pédestres, qui longent les voies d’eau navigables. Elles sont souvent reprises dans les propositions des GR, ainsi que dans les « fietsroute », en Flandre (https://www.vlaanderen-fietsland.be/nl/routeplanner), ou, en Wallonie, dans le réseau RAVEL qui suit souvent les anciens chemins de halage, le long des cours d’eau, et les voies de chemin de fer désaffectées (https://ravel.wallonie.be/home/carte-interactive.html).

Je propose, dans les paragraphes qui suivent, de remonter la Sambre à pied, par étapes de 20 à 25 kilomètres, depuis son confluent avec la Meuse, à Namur, jusqu’à Erquelinnes, à la frontière française.

1° Namur – Jemeppe-sur-Sambre

La première étape, entre Namur et Jemeppe-sur-Sambre, ne manque pas d’intérêt, même si l’eau de la rivière n’y est plus vraiment limpide et si la canalisation à grand gabarit ne laisse pas place à beaucoup de fantaisie. Sur le trajet, on ne manquera pas de jeter un coup d’œil à l’ancienne abbaye de Floreffe, devenue une école supérieure.

Si on a de la chance, on pourra en visiter l’église. Les stalles y sont vraiment remarquables, résultat d’un travail extrêmement minutieux et laborieux (tous les délais de commande et les budgets avaient été, à l’époque, largement dépassés). On y remarquera à la fois la belle ordonnance classique des saints et des prophètes dans leurs niches, et puis la prolifération des grotesques dans les zones moins officielles, miséricordes ou supports de statues, qui ne pourront manquer de retenir l’attention de ceux que les représentations plus officielles laissent indifférents.

C’est éventuellement l’occasion de goûter la bière locale, servie en bas de l’abbaye, en se rappelant qu’il reste pas mal de kilomètres à parcourir. En fin de trajet, la gare de Jemeppe est malheureusement d’un accès difficile depuis le chemin de halage, quand on arrive depuis Namur, obligeant à de longs détours ou à des passages par des raccourcis pas très officiels.

2° Jemeppe – Charleroi (ou Marchienne-au-Pont)

La suite du trajet, de Jemeppe-sur-Sambre vers Charleroi puis Marchienne-au-Pont, est d’un intérêt plus restreint pour les amateurs de verdure et d’environnements naturels : on traverse ici des paysages industriels en pleine reconversion. Ceux que passionne ce genre d’expérience urbaine pourront alors essayer la section du GR 412 dite « boucle noire »: un parcours d’une journée complète dans les faubourgs industriels de Charleroi, entre terrils, canal et usines (voir : « https://grsentiers.org/ », en cliquant vers le bas de la colonne de droite pour trouver la carte interactive et agrandir sur la zone Charleroi).

3° Landelies – Thuin

Pour ceux qui seraient plutôt épris de nature, on ne peut que recommander de sauter l’étape la plus urbaine et d’emprunter plutôt, depuis Charleroi, la ligne SNCB 130a, en direction d’Erquelinnes, pour descendre au deuxième arrêt, à Landelies. Ils pourront suivre ensuite dans la verdure le cours de la Sambre vers le sud. C’est la promenade classique des habitants du coin, les samedi et dimanche après-midi.

On ne manquera pas, sur le chemin, de s’arrêter à l’abbaye d’Aulne, mise à sac par les armées révolutionnaires françaises. Même si l’entrée du site reste assez confidentielle et semble plutôt mener à des salles de réception privées, les ruines s’en visitent librement. Ce serait dommage de ne pas faire le détour depuis la voie d’eau, quelques kilomètres après Landelies : il y a un côté immensément romantique aux vues de la végétation prenant d’assaut des chevets gothiques aux verrières finement nervurées.

En fin de journée, on pourra reprendre le train dans l’autre sens à Thuin, tout en n’oubliant pas de faire un petit tour en ville. Thuin vaut surtout pour son site, avec un relief aigu couronné de remparts ou de hautes constructions remplissant une fonction défensive. Elle est surmontée par un beffroi qu’on voit de loin à la ronde, en haut duquel on peut monter (conditions voir office de tourisme).

4° Thuin- Erquelinnes

En quittant Thuin, le long de la Sambre, sur la rive droite en direction de la frontière, après trois ou quatre kilomètres, on peut prendre un sentier qui mène jusqu’à Lobbes, où se trouve la plus ancienne église de Belgique. L’abbaye de Lobbes fut longtemps un des centres de la vie intellectuelle jusque très loin à la ronde, avant d’être déclassée par la montée de la culture urbaine puis d’être emportée et détruite par la tourmente révolutionnaire. L’église, dans son état actuel, date en grande partie de l’époque romane et présente encore un plan très archaïque, à deux niveaux, avec un chœur surélevé surplombant une crypte remontant plus ou moins à l’an mille.

Au-delà, même si la Sambre reste sommairement canalisée, le paysage devient exclusivement champêtre, vert. C’est la plus belle section du trajet, qui évoque des visions de paix et d’harmonie chez le promeneur venu de la ville (et sans doute moins chez les fermiers qui travaillent dans les champs et les grosses fermes qui s’égrènent au fil des kilomètres). Après avoir traversé quelques très beaux villages, on trouvera la gare d’Erquelinnes presque en bord de rivière.

5° Thuin – Berzée

Depuis Thuin, une offre de promenade supplémentaire consiste à rejoindre, en une vingtaine de kilomètres, par le RAVEL, la gare de Berzée, située sur la ligne Charleroi-Couvin. (Attention, un train toutes les deux heures sur cette ligne, le week-end. Il peut alors être prudent de faire le trajet dans le sens Berzée-Thuin : en marchant, on est maître de son heure de départ plus que de son heure d’arrivée ! Et des travaux sont prévus par Infrabel fin août.)

Après quelques kilomètres, à Biesme-sous-Thuin, bien avant de franchir par un tunnel la grand-route vers Beaumont, on jettera un coup d’œil à un moulin qui a gardé un certain charme. De l’autre côté de la route nationale, la traversée de Thuillies n’est pas bien passionnante mais les derniers kilomètres, du côté de Berzée, offrent des vues sur de larges paysages champêtres dont l’aspect varie au cours des heures et des saisons. Et l’arrivée sur l’énorme ferme-château et sur l’église gothique de Berzée impressionnent agréablement, après ces vastes étendues désertes.

Bonnes promenades !

Texte et images D. LYSSE © 08-2022
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Quatre randonnées accessibles par le train : de Ham-sur-Heure à Couvin

Pas besoin d’aller jusque dans les Alpes ou dans le Massif Central pour faire de la randonnée : quand le temps est ensoleillé, notre petit pays offre des promenades nombreuses et variées. Les sentiers de grande randonnée et les itinéraires balisés genre Ravel permettent d’y découvrir des paysages et des lieux peu connus, mais il n’est pas toujours facile de les emprunter sur des distances un peu ambitieuses, faute d’arriver à rentrer chez soi à la fin du trajet. Parfois, si on a de la chance, une ligne de train recoupe le chemin à intervalles réguliers et on peut alors débarquer le matin à pied d’œuvre et/ou revenir le soir sans difficulté.

C’est le cas, par exemple, de la ligne 132 de la SNCB, qui relie Charleroi à Couvin et recoupe régulièrement le GR12 Amsterdam-Paris. Je propose d’en examiner de plus près quatre étapes de vingt à vingt-cinq kilomètres, entre Ham-sur-Heure et les environs de Couvin, qui peuvent se faire en quatre jours successifs ou, plus aisément, une à la fois, de temps en temps, au hasard de la météo et des loisirs disponibles.

Elles font traverser des paysages paisibles, généralement peu fréquentés, vallonnés, entre champs et forêts, avec régulièrement des curiosités naturelles ou culturelles : châteaux, fermes-châteaux, églises classées, réserves naturelles… (On peut consulter les horaires du train sur le site de la SNCB « https://www.belgiantrain.be/fr », et la carte interactive des GR à l’adresse : « https://qgiscloud.com/grsentiers/Reseau_GR_wallon/ ».)

1. De Ham-sur-Heure à Walcourt

Propriété de la famille de Mérode depuis le XVe siècle, le château de Ham-sur-Heure mérite un petit détour, depuis la gare, avant de se mettre en route : devenu maison communale, c’est le plus accessible de tous ceux des environs. On y circule librement dans les jardins et, en demandant à l’accueil, on peut voir, à l’intérieur, en haut du grand escalier, quelques vitrines retraçant l’histoire, parfois tragique, de ses derniers propriétaires.

Plus loin, grimpant et redescendant aux flancs de la vallée de l’Eau d’Heure, le chemin balisé propose de larges trajets en forêt puis dans les champs. Il traverse les villages de Berzée puis de Thy-le-Château, dominés par d’énormes fermes-châteaux et nantis d’églises historiques, mais aussi des hameaux plus discrets, isolés dans la verdure, comme Pry. À Thy-le-Château, il y a moyen de se restaurer ou de boire un verre. Ailleurs, il est plus prudent d’avoir emmené du pique-nique. La gare de Walcourt, à l’arrivée, se trouve un peu avant le village.

2. De Walcourt à Philippeville

La basilique de Walcourt mérite une visite approfondie. Le jubé, qu’on dit avoir été offert par Charles Quint, n’a pas été démonté, contrairement à beaucoup d’autres, et propose encore toute sa riche ornementation au passant. Quant aux stalles, elles sont ornées de motifs grotesques absolument réjouissants. L’église abrite également un trésor: une grande croix réalisée au Moyen Âge par l’orfèvre Hugo d’Oignies, qui était un cadet de la famille de Walcourt (voir à son propos, sur ce site, l’article « https://www.ajpbe-vbbjpp.eu/blog/2020/07/02/le-tresor-doignies-temoin-de-trois-vies-hors-du-commun/»).

Malheureusement, comme beaucoup des œuvres d’art qui sont propriétés de fabriques d’église en Wallonie, elle n’est visible que par intermittences, lors d’une visite organisée ou au hasard de la présence d’un sacristain dans les lieux, et de sa disponibilité.

Le trajet s’engage ensuite dans des terrains cultivés ou des prairies, empruntant parfois des chemins creux, encaissés et ombragés, et laissant aussi découvrir de vastes étendues silencieuses. Jusqu’à Yves-Gomezée, il est particulièrement agréable. Un peu moins pour les sept ou huit derniers kilomètres, après avoir traversé la nationale 5, où le cheminement sur un plateau très uniforme, le long d’une carrière puis entre des monocultures parfaitement planes, s’avère plutôt monotone.

3. De Philippeville à Mariembourg

Dès qu’on quitte Philippeville par le sud, peu après la gare, le paysage retrouve tout son charme.  Pas de monuments historiques, ici, mais des vues toujours nouvelles sur une campagne restée très variée, semée de petites agglomérations en pierre et de grosses fermes, par des chemins larges et des routes tranquilles où ne passent que peu de véhicules. Le tout petit village de Roly se détache particulièrement, avec sa ferme-château, son vieux lavoir en pierre et sa petite place bordée d’arbres.

C’est l’endroit où prendre des photos de nature, éperviers posés au faîte des arbres, grenouilles, papillons et petites fleurs en tous genres. De Roly à Fagnolle, le GR fait de longs détours pour s’écarter de la route goudronnée et passer par les endroits les plus notables du coin. Mais la circulation est très éparse et peu gênante sur cette route – des travaux, fin juillet 2022, bloquaient carrément tout le trafic. Cela vaut donc la peine, pour ceux qui veulent gagner quelques kilomètres, d’envisager de suivre tout bonnement le macadam à travers la forêt pour arriver plus frais à la gare de Mariembourg.

4. Autour de Mariembourg et Couvin

Pour circuler à pied et voir les curiosités de la région, dont le célèbre « fondry des chiens », à Nismes, la gare de Mariembourg est un meilleur choix que celle de Couvin : elle est située du même côté de la nationale 5 que les objectifs principaux, et il n’y a donc pas à franchir l’autoroute par des ponts ou des tunnels à l’approche souvent peu agréables pour des marcheurs.

On s’écarte du GR12 pour cette étape. De Mariembourg, on peut gagner, par des petites routes pas trop fréquentées, même en été, le village de Nismes, puis monter au « fondry des chiens ». C’est un effondrement creusé par l’érosion souterraine dans le massif calcaire, qui se présente actuellement sous l’aspect d’un énorme trou au relief très accidenté. Il est entouré de prairies pauvres à la végétation très particulière, presque méditerranéenne, où batifolent des papillons et des insectes un peu rares, protégés par le statut de réserve naturelle. C’est l’endroit le plus « touristique » des itinéraires signalés jusqu’ici, le seul où, les week-end d’été, on risque de trouver trop de monde pour pouvoir en apprécier pleinement le charme et l’étrangeté.

De là, en retraversant le village de Nismes, on peut se rendre à un rocher isolé de la vallée du Viroin, nommé la « roche à Lomme ». À son sommet, assez facilement accessible, la vue est dégagée et porte loin. Puis, retrouvant le GR12 presque au pied du rocher, on peut pousser jusqu’au village de Dourbes ou bien rentrer directement retrouver le train à Mariembourg, selon la fatigue.

5. Quelques conseils

Pas besoin de chaussures particulières, ni de bâtons, ni d’énorme sac à dos, ni de cordes ni de crampons pour ces quatre randonnées, quand on les fait une à la fois. Une paire de sandales confortables, une musette ou un petit sac léger, et le tour est joué. Par contre, prévoir un chapeau et de l’eau en suffisance : un litre et demi, pour la journée, s’il fait chaud. Il n’y a pas des petites épiceries dans chaque village ! Compter une vitesse de cinq à l’heure, arrêts non compris.

Il vaut mieux faire l’effort d’examiner soigneusement la carte du GR avant de se mettre en route, de l’agrandir et d’en photographier les détails principaux, notamment aux abord des gares de départ et d’arrivée. Stocker quelques images du trajet à partir d’un grand écran d’ordinateur pourra se révéler d’autant plus utile que, sur le smartphone, avec les données mobiles, la carte interactive des sentiers est parfois très longue à charger et la manipulation (agrandissements, etc.) en est lente et pas très performante. Puis, en pleine campagne, le relief nuit parfois à la réception du signal.

De façon générale, le marquage est excellent sur tout le trajet ; il est rare de perdre les balises. Petit rappel : sur un GR, une ligne blanche et une rouge parallèles signifient que vous êtes sur le bon chemin ; deux lignes blanches et rouges croisées, à un carrefour, signifient que ce n’est pas la bonne direction ; et deux traits rouges et blancs de longueur normale surmontant deux traits rouges et blancs beaucoup plus courts avec une petite flèche signifie qu’une bifurcation arrive, qu’il va falloir tourner dans le sens indiqué par la flèche.

Bonne promenade !

 

Texte et images D. LYSSE © 07-2022
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Au musée Guimet, à Paris : Miniatures indiennes

On n’a pas souvent l’occasion de voir des miniatures indiennes, surtout depuis que les voyages au long cours sont devenus difficiles avec le Covid. Et même lorsqu’elles font partie de collections européennes, ces œuvres sont rarement montrées : les pigments et les papiers sont fragiles et se détériorent vite à la lumière. À Paris, au musée Guimet, on peut en voir actuellement (et jusqu’au 2 mai 2022) une sélection d’une soixantaine d’œuvres.

L’exposition est intéressante pour deux raisons. Il s’agit souvent de travaux de très grande qualité, dont plusieurs ont été peints sur commande expresse des empereurs moghols et de leur entourage. Et le fil conducteur choisi est insolite : présenter à travers l’illustration diverses formes d’ascétisme qui ont fleuri en Inde depuis les lointaines origines jusqu’aux développements dans le yoga et le soufisme musulman.

 

Ces images sont loin d’être toujours austères, contrairement à ce que peut laisser attendre un thème pareil ! Très vite, comme souvent en Inde, la richesse de l’imaginaire mythique et poétique vient se mêler à la rigueur des pratiques liées au renoncement. On retrouvera donc ici des scènes du Ramayana et du Mahabharatta où des rois, des princes et des princesses rendent visite à des ermites. Et aussi des vues presque paradisiaques d’ermitages situés dans la forêt ou au pied des montagnes, dans une nature qui est à moitié réaliste et à moitié onirique, enjolivée par les artistes de cour.

 

Très proches de la poésie et du rêve, aussi, sont les représentations de miracles accomplis par les ascètes. Non contents de conseiller les souverains ou d’accueillir les princes et princesses sur le chemin de l’exil, les ascètes réalisent parfois des prouesses métaphysiques, comme de boire l’océan, le temps qu’on déloge des abysses les démons qui s’y dissimulaient. Parfois, ils sont plutôt savants, rassemblant autour de leurs cabanes, en plus des étudiants, des lettrés et des érudits.

Les femmes ne sont pas absentes de ces images. Des yoginis s’y transmettent l’enseignement et la discipline de la renonciation. Parfois, plus bizarrement pour nous, on voit Shiva, prototype divin de l’ascète transgressif, à la limite des normes sociales, travailler de conserve avec son épouse pour préparer du bhang, de la pâte de cannabis.

Plus sagement, l’exposition se conclut avec des représentations de postures de yoga commandées par le futur empereur Jahangir, descendant de guerriers turco-mongols islamisés, mais remarquablement ouvert à toutes les composantes culturelles de l’immense territoire conquis par ses ancêtres. On verra aussi le portrait du malheureux Dara Shikoh, petit-fils de Jahangir, protecteur et familier des ascètes de toutes obédiences. Dans la lutte de succession au trône, cet adepte et promoteur d’un multiculturalisme tolérant fut accusé d’hérésie et d’apostasie puis assassiné par son frère, le futur empereur Aurangzeb, champion de ce qu’on appellerait sans doute aujourd’hui la tendance intégriste.

Pour ceux qui veulent prolonger la visite, quelques miniatures indiennes sont également montrées à l’étage inférieur, avec toujours ce mélange entre la figuration très narrative, proche du concret, et l’imaginaire, entre mythologie officielle et fantaisie ajoutée par le savoir-faire de l’artiste. De l’école de Bundi, on peut ainsi voir une scène où une princesse repose, mélancolique et indifférente au luxe qui l’entoure, rêvant à quelque amoureux qu’elle voit passer, glorieux, sur son cheval, devant le couchant, dans l’inaccessible ciel de son imagination.

Les immenses collections du musée, qui couvrent toute l’Asie, sont ensuite à disposition du visiteur, ainsi que le restaurant qu’on ne peut que recommander : un des bons asiatiques de Paris pour des prix raisonnables. Et à partir du 16 mars 2022, la grande exposition du printemps, consacrée à la figure du samouraï et à l’imaginaire guerrier au Japon.

texte et images D. LYSSE © 05-2022

Info : www.guimet.fr

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