Expo RODIN à Mons

© Texte et images D. LYSSE  05-2024

Jusqu’au 18 août 2024, le musée des Beaux-Arts de Mons fête sa réouverture avec une exposition prestigieuse consacrée à Auguste Rodin. On peut y voir la plupart des sculptures célèbres de l’artiste français (« le penseur », « les bourgeois de Calais », « l’homme qui marche », etc.) ainsi que de nombreuses œuvres plus rarement accessibles, couvrant toute sa longue carrière.

Au cours de ses études dans une école professionnelle qui lui fournit une solide formation en anatomie et en dessin, Rodin fait très vite preuve d’une habileté remarquable, qu’il exploite ensuite dans des travaux alimentaires. Il est notamment engagé à Bruxelles, sur le chantier de la Bourse. Allégories mythologiques, frises d’angelots joufflus et bustes de jeunes filles graciles au sourire convenu lui laissent peu de liberté. D’autres contrats lui offrent un peu plus de latitude. C’est le cas, notamment, pour des caryatides placées dans un immeuble de prestige aujourd’hui détruit, au boulevard Anspach, à Bruxelles également, une ville où l’on n’a pas toujours été tendre avec le patrimoine culturel… Séparées de leur support à la démolition du bâtiment, ces sculptures en stuc ont été ramenées à Paris et reviennent aujourd’hui en Belgique pour quelques mois.

En digérant les influences de Michel-Ange, de Rubens et d’autres, Rodin trouve ensuite son style propre. Il réussit à abandonner les commandes de décorations architecturales pour prendre pied sur le marché de l’art, qui lui permet une expression beaucoup plus personnelle. Cela ouvre l’époque de « l’âge d’airain », encore très sage, puis de la célébrité avec des pièces comme « la porte des enfers », le « Balzac » (pas à Mons) ou les « bourgeois de Calais ».

Il termine sa carrière en se libérant de la plupart des conventions qui régissaient jusque-là le métier. Il affectionne alors les poses baroques, tordues, martyrisées, et les statues « incomplètes », dont il ne conserve que la part la plus expressive. Ses matières se font plus brutes pour accentuer le caractère expressionniste des œuvres. De façon provocante, il se passe également du nettoyage et du polissage final des bronzes, et garde inchangés les défauts de fonderie comme les traces des joints entre les moules, estimant la forme qu’il a créée plus puissante que les détails superficiels, ainsi qu’on le voit dans la dernière salle de l’expo.

Le centaure portant un enfant

Parallèlement à ses sculptures, ses dessins évoluent au fil des ans vers toujours plus de liberté, de distance par rapport à la reproduction du réel. Ici aussi, très jeune, Rodin fait preuve d’une aisance et d’une sûreté confondantes. Il est, d’autre part, fascinant de voir à quel point il a su assimiler et exploiter tout ce qu’il a jamais pu copier dans des musées ou des académies. Il n’a pas pris de pose iconoclaste, ne s’est pas érigé en contempteur de la tradition, il l’a seulement digérée, s’appuyant sur elle pour ouvrir des horizons nouveaux. On le voit bien avec ses croquis d’études ou de voyages, qu’il n’a pas laissé vieillir stérilement, comme on oublierait de vieux et détestés devoirs scolaires. Pendant des décennies, il les a au contraire recopiés ou retouchés, toujours dans un sens plus personnel, plus allusif. Il s’y montre chaque fois moins asservi à la reproduction littérale des détails de son modèle. Il essaie plutôt d’en saisir l’essentiel : l’équilibre des masses, l’expression créée par les grands contrastes lumineux. (Voir, ci-contre, le centaure portant un enfant.)

Plus tard encore, simplifiant une fois de plus les moyens employés, il s’exercera à dessiner sans regarder sa feuille, ou presque, posant des lignes sans hésitation, les yeux fixés sur le modèle, l’esprit concentré sur l’écho intérieur qu’il peut susciter en lui. Et il se contentera de corriger les disproportions les plus flagrantes en ajoutant quelques traits sommaires et souples au premier jet, ou quelques taches d’aquarelle et d’encre de couleur qui resteront toujours d’une sensualité sans faille malgré leur simplicité, et ne tomberont jamais dans le schématisme ni la froideur géométrique.

Pour aider les visiteurs à situer ce travail dans son contexte, un petit nombre d’œuvres d’autres artistes ont été sélectionnées. On peut voir notamment des moulages du torse du Belvédère, ou d’un esclave et d’une piéta de Michel-Ange, à l’influence marquante. Ou, plus insolite, dans la salle consacrée à la porte de l’enfer, d’étranges gravures dont une de Cranach mettant en scène un loup-garou. Parmi les pairs de Rodin, un buste de martyr par Constantin Meunier fait montre d’une étonnante proximité avec les préoccupations du maître français. Et les sculptures de l’artiste belge contemporaine Berlinde De Bruyckere viennent nous montrer que les recherches de Rodin trouvent encore des échos aujourd’hui. Tout cela est très judicieusement choisi, parfaitement éclairé, commenté et mis en place. Et il n’y a pas trop de monde, on peut tout voir à l’aise, surtout si on y va en semaine ou à l’heure de midi. Que demander de plus ?

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