Au musée Guimet, à Paris : Miniatures indiennes

On n’a pas souvent l’occasion de voir des miniatures indiennes, surtout depuis que les voyages au long cours sont devenus difficiles avec le Covid. Et même lorsqu’elles font partie de collections européennes, ces œuvres sont rarement montrées : les pigments et les papiers sont fragiles et se détériorent vite à la lumière. À Paris, au musée Guimet, on peut en voir actuellement (et jusqu’au 2 mai 2022) une sélection d’une soixantaine d’œuvres.

L’exposition est intéressante pour deux raisons. Il s’agit souvent de travaux de très grande qualité, dont plusieurs ont été peints sur commande expresse des empereurs moghols et de leur entourage. Et le fil conducteur choisi est insolite : présenter à travers l’illustration diverses formes d’ascétisme qui ont fleuri en Inde depuis les lointaines origines jusqu’aux développements dans le yoga et le soufisme musulman.

 

Ces images sont loin d’être toujours austères, contrairement à ce que peut laisser attendre un thème pareil ! Très vite, comme souvent en Inde, la richesse de l’imaginaire mythique et poétique vient se mêler à la rigueur des pratiques liées au renoncement. On retrouvera donc ici des scènes du Ramayana et du Mahabharatta où des rois, des princes et des princesses rendent visite à des ermites. Et aussi des vues presque paradisiaques d’ermitages situés dans la forêt ou au pied des montagnes, dans une nature qui est à moitié réaliste et à moitié onirique, enjolivée par les artistes de cour.

 

Très proches de la poésie et du rêve, aussi, sont les représentations de miracles accomplis par les ascètes. Non contents de conseiller les souverains ou d’accueillir les princes et princesses sur le chemin de l’exil, les ascètes réalisent parfois des prouesses métaphysiques, comme de boire l’océan, le temps qu’on déloge des abysses les démons qui s’y dissimulaient. Parfois, ils sont plutôt savants, rassemblant autour de leurs cabanes, en plus des étudiants, des lettrés et des érudits.

Les femmes ne sont pas absentes de ces images. Des yoginis s’y transmettent l’enseignement et la discipline de la renonciation. Parfois, plus bizarrement pour nous, on voit Shiva, prototype divin de l’ascète transgressif, à la limite des normes sociales, travailler de conserve avec son épouse pour préparer du bhang, de la pâte de cannabis.

Plus sagement, l’exposition se conclut avec des représentations de postures de yoga commandées par le futur empereur Jahangir, descendant de guerriers turco-mongols islamisés, mais remarquablement ouvert à toutes les composantes culturelles de l’immense territoire conquis par ses ancêtres. On verra aussi le portrait du malheureux Dara Shikoh, petit-fils de Jahangir, protecteur et familier des ascètes de toutes obédiences. Dans la lutte de succession au trône, cet adepte et promoteur d’un multiculturalisme tolérant fut accusé d’hérésie et d’apostasie puis assassiné par son frère, le futur empereur Aurangzeb, champion de ce qu’on appellerait sans doute aujourd’hui la tendance intégriste.

Pour ceux qui veulent prolonger la visite, quelques miniatures indiennes sont également montrées à l’étage inférieur, avec toujours ce mélange entre la figuration très narrative, proche du concret, et l’imaginaire, entre mythologie officielle et fantaisie ajoutée par le savoir-faire de l’artiste. De l’école de Bundi, on peut ainsi voir une scène où une princesse repose, mélancolique et indifférente au luxe qui l’entoure, rêvant à quelque amoureux qu’elle voit passer, glorieux, sur son cheval, devant le couchant, dans l’inaccessible ciel de son imagination.

Les immenses collections du musée, qui couvrent toute l’Asie, sont ensuite à disposition du visiteur, ainsi que le restaurant qu’on ne peut que recommander : un des bons asiatiques de Paris pour des prix raisonnables. Et à partir du 16 mars 2022, la grande exposition du printemps, consacrée à la figure du samouraï et à l’imaginaire guerrier au Japon.

texte et images D. LYSSE © 05-2022

Info : www.guimet.fr

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