© Texte de Michel Anciaux (confrère au Chili)
© Photos de Michel Anciaux et Kenneth Brown
Il faut noter que, malheureusement, au cours de cette décennie, les feux de forêt ont augmenté en nombre et en intensité, principalement en raison des sécheresses causées par les températures élevées, une des conséquences du changement climatique.
Il suffit de consulter la liste des pays touchés par ces catastrophes pour déduire que, dans la plupart des cas, les conditions climatiques (températures élevées en été, sécheresses et vents) ont été les principaux facteurs ayant favorisé ces catastrophes environnementales, même si l’on ne peut exclure une intentionnalité dans certaines de ces épidémies.
Dans le cas du Chili, on peut dire que 2017 a marqué un tournant dans les techniques de combat, tant en matière d’aide nationale et internationale en personnel et en matériel, que dans les capacités des aéronefs utilisés.
Rappelons que les avions de type McDonnell Douglas DC-10 et Boeing 747 ont été utilisés pour la première fois, avec des capacités dépassant 35 000 litres pour le Mc Donnell Douglas DC-10 Ten Tanker et plus du double pour le Boeing 747 Super Tanker, soit 74 200 litres de retardant ou d’eau.
Ont également participé à l’opération un Ilyushin IL-76TD du ministère russe des Situations d’urgence, un Lockheed C-130 de l’armée de l’air brésilienne, équipés pour la lutte contre les incendies de forêt, le Lockheed C-130H de Coulson Aviation mais aussi un British Aerospace BAe 146-200 de Neptune Aviation Services, dans sa version de lutte contre les incendies.
D’autres appareils, comme l’hélicoptère Sikorsky S-64F Skycrane, ont également pris part à l’opération. Au final, 53 hélicoptères et avions ont été engagés dans les combats.
Ce fut la première fois que le concept du facteur 30-30-30 a été évoqué : températures supérieures à 30 °C, faible humidité (environ 30 %) et vents d’au moins 30 km/h. Des records de température ont également été enregistrés, avec des maximales absolues relevées à Curicó (37,3 °C), Chillán (41,5 °C) et Los Angeles (42,2 °C). Le record absolu au Chili a été atteint à Quillón le 26 janvier 2017 avec 44,9 °C.
Dans les 3 régions du sud (O’Higgins, Maule et Bíobío) touchées par les incendies entre le 18 janvier et le 5 février, plus de 467 000 hectares ont été ravagés, 10 personnes sont mortes et plus de 30 000 ont été affectées.
Hélas, le scénario s’est répété pour la saison 2022-2023, avec les données suivantes rapportées au 25 février : plus de 450 000 hectares touchés par des incendies de forêt nécessitant la mobilisation de plus de 100 avions, près de 2 500 membres de brigades de recherche et sauvetage et plus de 3 800 pompiers, 89 membres de la Police d’Investigation (PDI) ainsi qu’environ un millier de membres des Carabiniers.
Les premiers foyers ont été signalés fin janvier dans la région de Ñuble, à plus de 400 km au sud de Santiago. Mais en l’espace de deux mois à peine, les incendies se sont propagés aux régions de Maule, Bíobío, Araucanía et Los Ríos.
On estime qu’au moins 25 % de ces incendies étaient d’origine criminelle, ce qui a conduit à l’arrestation de 40 personnes soupçonnées d’y avoir participé. Tragiquement, on devait dénombrer 25 décès, 2 180 blessés, plus de 7 000 sans-abris et quelque 2 300 habitations détruites (données du 25 février 2023). Par ailleurs et suite à certains incidents, un couvre-feu a dû être instauré.
Au 24 février, d’autres avions étaient attendus afin d’intensifier la lutte contre les incendies dans le sud du pays.
L’aide internationale de l’Argentine, du Mexique, du Brésil, de l’Uruguay et de l’Unité militaire d’urgence (UME) d’Espagne, composée de 50 militaires et dotée d’équipements de pointe tels que des drones spécialisés dans les vols de surveillance nocturne, l’observation et le contrôle des incendies et la transmission de données fut un apport important.
Le Mexique avait dépêché 30 pompiers et 120 membres de l’armée de terre et de l’armée de l’air mexicaines, spécialistes de la lutte contre les incendies.
L’Argentine, quant à elle, mobilisa 64 pompiers, 15 camions 4×4 avec équipements et un camion de pompiers forestiers. La France envoya également 83 pompiers et du matériel d’appui dans le combat.
L’utilisation d’avions à plus grande capacité de chargement, comme le démontrent le McDonnell Douglas DC-10 Ten Tanker, le McDonnell Douglas MD87 Aero Tanker, le Lockheed C-130 Hercules brésilienne et celui de Coulson Aviation, furent une contribution importante à ces opérations.
Il convient également de souligner l’importante contribution apportée par les hélicoptères Boeing Chinook ou Airbus Helicopters Super Puma, et autres types d’avions et hélicoptères.
Les hélicoptères utilisés pour la lutte contre les incendies ont des capacités variables :
L’Airbus Helicopters AS350 Écureuil est équipé d’un Bambi Bucket de 900 litres.
Les Bell 212 et 412, quant à eux, ont une capacité d’emport allant jusqu’à 1 200 litres.
Les Airbus Helicopters H215 Super Puma et AS332AS Super Puma peuvent embarquer jusqu’à 4 000 litres.
Le Sikorsky S-61, selon le modèle et la configuration, dispose d’une capacité de chargement embarquée de 3 850 kg ou d’une capacité externe de 4 500 kg (par câble). Il peut être équipé d’un godet à remplissage automatique de 3 400 litres ou d’un réservoir externe (réservoir ventral à remplissage rapide) d’une capacité de 4 000 litres.
De leur côté, les Boeing CH-47D et CH-234 Chinook peuvent larguer jusqu’à 10 000 litres.
Dans le cas du McDonnell DC-10 Ten Tanker et du MD87, jusqu’à 20 rotations par jour furent effectuées, avec des largages allant jusqu’à 36 000 litres pour le premier et plus de 11 000 litres pour l’AeroTanker. Cela qui permis de maîtriser certaines parties des gigantesques incendies.
Deux avions Lockheed C-130 Hercules ont également participé à la lutte contre l’incendie.
Le premier était un C-130M de l’armée de l’air brésilienne, équipé d’un système modulaire aéroporté de lutte contre l’incendie (MAFFS) capable d’emporter 12 000 litres d’eau, déversés par deux tubes situés sur la rampe arrière de l’appareil.
Le second appareil, un C-130H de Coulson Aviation était équipé d’un système de largage aérien de retardant (RADS-XXL ou Retardant Aerial Delivery System).
Il convient également de souligner la participation de l’Airbus P-295 ACH Persuader de la Marine chilienne aux opérations conjointes avec le bombardier d’eau DC-10.
Afin d’optimiser l’efficacité des interventions, son rôle était de guider le DC-10 vers les zones d’incendie. À cette fin, il est équipé d’une caméra optronique, qui améliore la visibilité à travers la fumée, et d’un radar permettant de diriger l’appareil au sein des zones sinistrées.
Malheureusement, trois accidents aériens devaient endeuiller ces opérations, causant la mort de 3 pilotes.
Le grand incendie de Valparaiso, ville côtière du Chili, est considéré comme un des incendies de forêt le plus dévastateur de l’année 2024, détruisant plus de 14 000 maisons mais aussi un nombre indéterminé de logements informels, affectant 12 500 personnes et faisant 137 morts et 300 disparus 1100 blessés (allant de graves crises de santé mentale à des fractures osseuses, des amputations et des brûlures), dans la zone de Viña del Mar, Quilpué et Villa Alemana.
Le monde animal n’a pas été épargné car on avance le chiffre de près de 1500 animaux domestiques et sauvages mort dans l’incendie mais aussi 33 spécimens sauvages secourus, décédés des suites de leurs blessures, 3000 animaux blessés, la disparition de 1300 espèces de plantes et arbres, dont des spécimens uniques tels que le Sophora toromiro, une espèce endémique de l’île de Pâques, considéré comme « probablement éteint », ainsi que 92,5 km² de surfaces agricoles, forestières, urbaines et zones humides.
Cet incendie, propagé entre le 2 et le 3 février 2024, est considéré comme étant le plus meurtrier du monde, après les feux de brousse qui ont ravagé les banlieues de Melbourne au début du mois de février de 2009.
Il est aussi considéré comme étant la pire tragédie qui ait affecté le chile et ce depuis le tremblement de terre de 2010.
Mais le plus terrible est que cette catastrophe fut la conséquence d’une intentionnalité criminelle et vérifiée par la présence de plusieurs foyers simultanés dans différentes zones de la région.
Le 24 mai 2024, la Police d’Investigation (PDI) a procédé à l’arrestation d’un pompier de 22 ans, lequel aurait déclenché l’incendie. Mais un complice employé par la corporation Nationale des Forêts (CONAF) fut identifié comme le cerveau présumé de l’opération. En novembre 2024 quatre autres employées et pompiers furent interpellés. Il apparaît que le mobile principal de ces déclenchements d’incendie était d’ordre financier. Les accusés recevant des indemnités majorées pour les prestations d’heures supplémentaires.
Sur le plans environnementale et écologique, il est encore difficile de se prononcer sur les retombées à longues échéances, même si certaines études ont pu avancer les chiffres et destructions suivants :
Une perte massive de la biodiversité locale et destruction des habitats naturels. Dans le cadre des émissions massive de gaz à effet de serre, une estimation de l’ordre de 593 034 tonnes de dioxyde de carbone rejetées dans l’atmosphère pour le 2 février seulement été avancée, des terres agricoles, forêts primaires plantations forestières de même que les maquis contaminés avec des pertes écologiques et de biodiversité incalculable.
Mais le plus dramatique est dans la contamination de l’air. En effet au long de ces quatre jours d’incendie une quantité de particules dont une grande partie n’ont pu être identifiées se sont dispersées au gré des vents : verre, particules d’amiante et de plastique, fibre de verre, peinture au plomb, restes d’ordinateurs ou de téléviseurs, aluminium, ampoules, même des restes de thermomètres contenant des matières radioactives, béton, mais encore…
Le résultat étant un dépassement des limites stipulées dans la réglementation chilienne.
En effet, les concentrations de particules fines et grossières ont dépassé les normes nationales et recommandations de l’OMS de 82 % et 198 %.
Une étude a démontré que ces polluants sont un risque grave pour les systèmes respiratoire, nerveux central et cardiovasculaire et donc pour la santé des populations survivantes.
Si une grande partie des pays de l’Amérique du sud et de l’Europe ont exprimé leur solidarité et soutien au peuple chilien, la Corée du Sud a fait un don de cinq cent mille dollars.
Les États-Unis se déclarèrent prêts à envoyer l’aide nécessaire au peuple chilien. De même une équipe de spécialistes a été envoyé sur place et un don de tuyaux, de bottes, de gants et de capes d’une valeur de trente mille dollars a été remis par l’ambassadrice des États-Unis et le directeur régional de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) pour l’Amérique latine et les Caraïbes aux pompier chiliens
Le Mexique par la voie du président de la république a annoncé qu’elle restait attentive à toute demande d’assistance des autorités chiliennes mais aussi l’envoi de trois avions de la Garde nationale avec du matériel et personnel humanitaire.
L’Union européenne se déclarait prête à collaborer et à apporter son aide en ces moments difficiles.
Hélas, à la date de ce jour, le drame humain est toujours présent et se traduit notamment dans la lenteur du programme de reconstruction, se chiffrant à seulement 5% dans certaines zones ce qui a généré de difficultés et critiques, frustrations et méfiance de la part des victimes affectées.
Un hommage aux brigadistes et pompiers du ciel !





























